J’adore la musique d’Ibrahim Maalouf. Le titre « Beirut » par exemple m’a tiré des larmes comme savait faire le Miles Davis de « Kind of Blue » qui tordait les boyaux à force d’honnêteté.
Ibrahim Maalouf a un son, un sens de la musique irréprochable, une technique parfaite et ses tenues de notes sont d’une justesse faramineuse. Il a appris, appris les notes et la musique certes mais au-delà de la technique, on ressent en lui la sincèrité naturelle des musiciens élevés DANS la musique. Car il est né dedans. Mais il a su transcender les conseils que lui donnait son père pour laisser parler son âme. Il a depuis su atteindre une forme d’universalité qui l’autorise à jouer partout dans le monde.
Ibrahim Maalouf ne doit rien à personne. La musique qu’il joue vient du tréfonds de son Être. Il ne copie personne et pour cause, aujourd’hui personne ne joue comme lui. À 34 ans, il a déjà une belle expérience, mais surtout il a créé une musique nouvelle en symbiose avec son époque, une musique qui dépasse les influences identifiables.
À la différence de l’excellent Avishaï Cohen qui, installé désormais à New York, œuvre dans la droite ligne du Urban jazz West Coast du « sorcerer » Miles Davis, la musique d’Ibrahim Maalouf a conservé ses racines dans le bassin méditerranéen. Il y a autant de Blues, de Rock et de Jazz, que dans les morceaux composés par des musiciens habitant au pays du Bill of Rights (les 10 amendements à la Constitution Américaine qui limitent le pouvoir fédéral et garantit plus de libertés individuelles), mais il y a aussi des harmonies, des enchaînements d’accords, des sonorités si particulières aux peuples du soleil méditerranéen du Liban ou d’ailleurs. En fermant les yeux, on devine dans ses morceaux les ambiances inspirées par la lumière si particulière de ces coins du monde. Il joue sur sa trompette modifiée les fines subtilités d’une culture au quart de ton, qu’on ne connaît pas ailleurs.
Ce mec est génial, intelligent et humain.
Je connaissais sa musique, mais je ne l’avais jamais rencontré. On s’est vu tout à l’heure. Il est passé me visiter à la Regallery. Respect mutuel. Il nous avait vus en concert à Vence, il y a huit ans environ
– C’était la première fois que j’entendais un Français qui sonnait comme ça. Après j’ai commencé à te suivre. J’ai beaucoup aimé ton précédent album « Fort rêveur », je ne connais pas le nouveau disque… mais si un jour il y a un « Fort-rêveur two » …
Alors je lui ai parlé d’un projet en anglais que j’ai démarré il y a quelques années et qui est resté en stand by.
– Ça ressemble à quoi?
– Tu veux vraiment savoir?
Il s’est assis, et j’ai appuyé « play » sur la touche du lecteur CD. (hé ouais, moi j’écoute encore des objets disques plats qu’on tient dans les mains et qui tournent sur eux-mêmes)
– Vazy, mets plus fort !!
J’ai précisé qu’il faudrait sûrement remixer,
Et aussi rajouter d’autres choses…
– Qu’est-ce que t’entends par là ? M’a-t il demandé.
J’ai répondu :
-Devine…
® CharlElie – New York 20XV