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Confesse Book

90 –  » Ils m’ont tuer »

Une embrouille n’arrive jamais seule, après l’obligation de clore l’expérience de la Regallery, aujourd’hui j’apprends que pour « différentes raisons indépendantes de notre volonté », la production a décidé d’annuler la programmation de mon concert à l’Olympia le 28 Mai.

Je suis tenu un peu à l’écart des chiffres, mais il semble que « certaines » circonstances vous obligent à prendre « certaines » décisions contre votre gré. D’ailleurs, quand je regarde le calendrier de mes collègues du spectacle vivant, force est d’admettre que les gens de ma production ne sont pas les seuls à choisir d’annuler une date au milieu d’une tournée qui par ailleurs fonctionne bien. Problème de logistique, problème de santé, problème de famille, problème juridique, problème d’intendance, problème de date, problème d’incompatibilités d’humeur, ou conflit d’intérêt, il y a toujours une « bonne » raison pour justifier la tristesse.

J’apprends cette mauvaise nouvelle comme on prend un  coup de bambou sur la nuque. Fuck ! Je vois des étoiles. Abasourdi, je regarde la lune, les yeux dans le vague, je me demande à quoi va ressembler la suite ? Putain, je me dis, je n’avais pas choisi le titre de mon dernier album comme un présage.

Jusqu’ici, je m’en étais plutôt bien sorti en province. Bien reçu par la presse, ayant bénéficié d’une bonne mise en place, le disque s’est même plutôt bien vendu.

Il y a eu la Gaité Lyrique, impec ! Et dans l’adrénaline du superbe concert au Trianon, en Novembre dernier, la décision de faire l’Olympia comme un belle conséquence. On y a cru. J’y ai cru, persuadé que quelque chose allait se mettre en place. Mais ceux qui veulent agir le savent bien : il ne suffit pas d’avoir envie d’entreprendre pour que les choses se fassent. Un ensemble de rouages doit se mette en place. Quand on prend des risques, rien n’est jamais garanti. Or, aujourd’hui, c’est le règne de l’infinie prudence, le moins on en fait, le mieux c’est d’autant qu’on n’a plus de marge de manœuvre, et la moindre erreur coûte cher. À l’image d’une politique paralysée par la peur, les projets n’aboutissent pas. Il suffit de peu de choses pour que la mécanique se grippe. Malgré les espoirs de reprise, pour beaucoup de gens, les choses restent en stand by.

La crise. Dans la rue on le crie, ou à longueur de papier on écrit que c’est la crise. La crise, quelle crise ? Crise de confiance, crise de conscience, crise de croissance, crise d’adolescence, crise de jeunesse, crise de vieillesse, on est toujours en crise. Crise de nerfs, crise d’angoisse ou crise de rire, y a toujours une criss de crise qui menace. Crise de chagrin, crise de la vache folle, ménopause, andropause, mal de dent ou coliques néphrétiques, crise monétaire internationale, crise de la dette, crise de Christ. On sait jamais de quelle crise il s’agit, mais tout le monde dit à qui veut l’entendre que c’est de plus en plus difficile.

Et puis c’est Paris… Ah Paris… Paris ne ressemble à rien ! Paris c’est spécial.

Paris veut qu’on la séduise. Moi, je n’ai jamais été vraiment sexy. C’est vrai, je ne suis pas un séducteur né. Une fois passé mon intrigante signature avec Chris Blackwell sur Island, les médias parisiens se sont assez vite lassées de mon phrasé lent, de mes images réalistes, de mon rock blues pragmatique, mon écriture descriptive, et mon humour décalé sous mon masque qu’ils jugeaient trop austère. Mon manque de frivolité, mes explications alambiquées, mon goût pour le travail et ma fidélité amoureuse, n’ont jamais amusé les médias parisiens qui ont souvent traité mon travail avec une sorte de condescendance teintée de mépris. «  Le Nancéien à la barbichette et à la voix nasillarde » cette caricature qui revenait à longueur de papiers semblait leur suffire.  Et quand je me suis « exilé » à New York, quand ils ont « découvert » que je m’étais « mis-à-la-peinture », alors ils ont continué à traiter le sujet comme s’il s’agissait d’un caprice de nanti…

On me dit :

– Faut jamais courir après deux lièvres à la fois.

Comme si c’était si simple ! Je réponds :

« C’est l’histoire de ma vie »,

Je réponds :

« Triathlon »,

Je réponds :

« Les deux yeux me font voir en 3D »,

Je réponds :

« Différence Art versus Artisanat »,

Je réponds :

« Inside /out & Outside/in »,

Mais tout cela est un peu compliqué pour les barons du marketing visant le grand public, et les animateurs communicants qui veulent des choses simples. Depuis que ce disque « ImMortel » est sorti, dans les salles de rédaction parisiennes, une cangue de silence a congelé mon nom, embaumé dans des bandelettes de faux mots, et sous une chape d’ignorance fatale, lourde comme une pierre tombale.

« ILS » m’ont tuer!

Si j’ai mal ? Oui. Mon cœur est blessé par ceux qui ont fait de moi un de ces chanteurs mineurs dont parlait Gainsbourg. Et je me sens d’autant plus mal, qu’à l’intérieur de moi, le mystère du plaisir de la création reste intact. Oui, le fruit est encore accroché à l’arbre.

La fin ?  Mais de quoi, donc ? J’ai encore faim. Encore envie d’essayer d’autres « choses » tout en poursuivant mon chemin. J’ai le même entrain que depuis toujours ; et de cela peuvent témoigner ceux qui se sont déplacés pour nous voir sur scène… Les autres ? Comment les convaincre ? Puisque je n’ai pas eu droit à la parole, (ce qui est un comble quand on les écrit.)

Si je me plains ? Fuckin’ non ! Je ne me plains pas. Je ne me suis jamais plaint.

Je ne demande rien à personne. Je suis libre et responsable, et j’ai toujours assumé mes choix.

Lucide et réaliste, quand je suis face à un état de fait, j’essaie de trouver des solutions.

Cette annulation me peine, et je m’en excuse auprès des centaines de spectateurs qui avaient pris leurs billets et qui se réjouissaient par avance comme moi de cette soirée particulière. Il y en aura d’autres. Je veux considérer cette mauvaise nouvelle comme une péripétie, certes dont je me serais bien privé, mais sachez, vous mes « vrais » ami(e)s, que je ne vais pas en rester là. J’aime mon métier, et dés aujourd’hui j’imagine la suite.

La suite ?

Oui,

Car

Ne dit-on pas qu’il y a une vie après la mort ?

 

® CharlElie – Avril 20XV