Dans l’air du temps,
Par les temps qui courent…
Oui, c’est toujours une histoire de timing.
On est dans les temps ou l’on n’y est pas.
Être dans les temps, ça veut dire jouer sur le tempo. Ni avant, ni après : juste sur le temps. C’est comme ça que ça tourne.
Dans la vie, c’est plus complexe. D’un côté, on vous apprend qu’il est prudent de chercher à anticiper sur les événements. D’un autre, on rencontre en contre, une masse de gens qui vous tirent en arrière en justifiant le passé. Humbles, résolus, ils se contentent vaille que vaille de ce qu’ils ont, freinant des quatre fers quand ils craignent qu’une évolution altère leurs privilèges, ou simplement ne les sortent de leur routine.
La marge de manœuvre est étroite : trop en avance, on est incompris, en retard et le train est parti.
D’autant qu’on s’est habitué à cette mentalité d’écureuil qui veut qu’on emmagasine des réserves en prévoyant le pire. Ah il a beau jeu le pire ! Toujours le pire. C’est le « PPP » « Putain de Principe de Précaution » qui justifie toutes les démences sécuritaires de notre monde d’Orwell.
Projeter son esprit vers l’avant. Le tireur de balltrap connaît bien cette sensation, lui qui appuie sur la gâchette avant que le pigeon d’argile ait atteint sa mire. Pareil quand on est motard : plus on roule vite, plus on prend l’habitude de regarder loin devant soi. Le problème survient quand ça ralentit. Si on continue de regarder loin, trop loin, on se décale. Quand on est décalé, difficile de remettre son esprit sur les rails d’une pensée conventionnelle.
Si on me dit que parfois, je déraille, je prends cela pour un compliment.
Souvent les artistes déraillent. C’est normal. Les joueurs d’échecs aussi d’ailleurs, eux qui pensent « en conséquence » du coup qu’ils ont joué.
Car, sans parler d’insémination « ARTificielle », une œuvre d’art est un objet (ou un acte) dont le ressenti peut apparaître à retardement. Une post-impression en quelque sorte. Bien sûr y a les flashes et les coups de foudre, mais pas toujours. Dans l’instant on réagit à l’instinct, sans forcément analyser l’empreinte subconsciente que laissera ladite « œuvre » dans votre souvenir. Certains films, livres ou même certains spectacles, vous reviennent et vous servent de référence, alors qu’ils ne vous avaient pas impressionné plus que ça sur le coup.
La destinée est synonyme de fatalité. Pour ce que j’en sais, une vie d’artiste est un fatum. Une vie d’artiste ne s’inscrit pas dans une réalisation à court terme qui satisfait des pulsions commerciales basées sur un partage consensuel. Cela peut arriver heureusement parfois, mais ce n’est pas ça le but. Être un artiste c’est traverser les évidences. Il faut aussi accepter de ne pas être accepté, (ce qui ne signifie pas qu’on ne le sera pas d’ailleurs, plus tard.) Évidemment tous les hypersensibles cyclothymiques, tous les devins avinés, tous les gourous en courroux, tous les augures en guerre, tous les artistes donc, ne sont pas des prophètes en fête, mais il y a en eux, le fameux mythe Van Gogh, celui de la révélation, celui qui fait fantasmer les spectateurs, et qui aide les artistes à tenir dans l’idée que « si c’est pas pour aujourd’hui, c’est pour demain » !
Dans quelques jours je tirerai le rideau de fer de mon artspace sur la 36th. Quand j’atterrirai à CDG, j’aurai 59 ans. (Eh oui, encore 12 mois avant le fameux sexa, pile poil, qu’évoquait un journaliste pressé de m’y confondre).
Je viens faire la clôture de l’expo « NCY NYC » qui semble-t il est venue au bon moment.
Elle s’achèvera sur un score impressionnant, rare aussi semble-t il pour une expo d’Art contemporain en province, puisque plus de 11000 personnes se seront déplacées pour la visiter.
Je ne sais pas très bien aujourd’hui ce que va devenir la plupart des œuvres exposées. Un bon nombre d’entre elles retrouvera sûrement l’ombre froide de hangars ou lieux de stockage pour des années, mais je suis néanmoins ravi de ce qui vient de se passer, et je remercie ici une fois encore ceux qui ont permis d’offrir ces 250 œuvres aux regards passionnés des spectateurs pendant trois mois.
Et puis, sitôt l’expo pliée, remballée, je referai mes bagages.
Temps forts, temps faibles,
Ceux d’avant avaient le swing,
Moi, j’ viens du « beat », et j’ continue à débiter
Mes rimes en rythme.
C’est mon lot, mon « flow » à moi.
La tournée « ImMortel » repart,
Comme une errance au milieu de nulle part,
Quand on ne sait plus où l’on était la veille,
Où l’on sera demain.
Quand on ne sait plus où l’on est à force de GPS.
La route encore et toujours
Les kilomètres d’heure en heure.
Suivre l’autoroute droite jusqu’au bout,
Dans le van aménagé, solidaires entre nous.
Stations services et pain mou.
Long compte à rebours métronomique,
Les paysages panoramiques,
Le centre-ville et les théâtres,
Centres culturels, salles de spectacle.
Du jour au lendemain, la feuille de route,
Un peu hagard dans une gare aussi parfois,
Au petit matin.
Et la fatigue qui s’accumule
Au fur et EN mesure,
Mais jouer, jouer pour jouir,
Se délivrer en cadence,
De toutes ces envies en puissance,
Comme des réservoirs électriques,
Alimentant les turbines,
D’émotions endorphines,
…
De jour en jour
Dans l’air du temps.
CharlElie – Fév. 20XV