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Confesse Book

77 – Rituel

Création et rituel.

Les matérialistes considèrent que les choses sont ce qu’elles sont. Les intellectuels considèrent que les choses, les événements sont ce qu’ils représentent, ce qu’ils signifient. Oui, tout est question d’interprétation. (On a repris depuis peu sur scène la chanson « Bob le prophète » qui évoque cette idée…). Moi je crois aux rituels.

Parfois je me mets dans des situations qui désorientent ma logique, parfois j’accomplis des tâches en agissant selon un processus, une méthode. Mes outils comme mes instruments ont un sens, chacun d’eux a une histoire. Je les choisis en fonction de ce qu’ils représentent. Connaître leur origine par exemple, me rassure. Les habits que je mets sur scène ne servent qu’à cela. La préparation, mise en condition est toujours la même, une manière de rentrer dans le « personnage », qui fait lui, des choses que je ne ferais pas moi-même en temps normal.

Je crois qu’une œuvre d’art n’est pas la conséquence d’une idée préconçue, mais d’un ensemble de gestes qui se suivent. Certains universitaires affirment que les œuvres sont le résultat d’une pensée. Mais s’il est exact de dire que les œuvres d’artisanat sont issues d’un savoir-faire pratique dont on apprécie la maîtrise, pour ce qui est de l’Art, les œuvres se font par un enchaînement subconscient de mouvements qui aboutissent à un moment qu’on va considérer comme équilibré. La Beauté est justement cet « instant d’équilibre ».

Bien sûr, d’une personne à l’autre, ce moment d’équilibre entre le « vouloir » et le « pouvoir »  est très subjectif. Les uns pensent qu’il FAUT passer du temps, d’autres au contraire agissent vite. Le style d’un artiste c’est le temps.

Albrecht Dürer a mis un bon mois pour dessiner chaque poil de son lièvre suspendu, Picasso a mis quelques secondes pour dessiner sa colombe de la Paix. Les deux sont aussi forts, sauf que l’un considère qu’il DOIT passer un certain temps sur sa planche, une sorte de méditation lente, tandis que l’autre au contraire voulait résumer l’essentiel à un minimum. Il faut préciser que Picasso a dessiné une bonne vingtaine d’autres colombes avant de choisir celle-là. Hokusai répétait des dizaines de fois les mêmes dessins de grenouilles ou de papillons, afin d’atteindre au geste parfait. Dans la technique japonaise un condensé des lignes dessinées peut même devenir une lettre, un idéogramme.

Les hommes préhistoriques nous ont donné à savoir un peu plus sur eux quand ils ont commencé à écrire sur les parois des grottes.

Beaucoup de gens hypersensibles, ne ressentent pas la nécessité de transformer leurs émotions en quelque chose de « partageable ». Être un artiste, avant tout c’est de « faire », « agir ». E pour cela choisir des outils, son instrument, sa ballerine de danseuse, son archet, son tabouret, son clavier, sa machine à écrire, son tablier, ses ciseaux ou pinceaux.

Quoi qu’on ait choisi de faire, quelle que soit l’activité sur laquelle on consacre son esprit,  on admet généralement qu’il faut avoir passé le cap des « 10 000 heures » pour atteindre un niveau d’aisance suffisant pour se laisser aller justement sans plus réfléchir.  Soit 416 jours à ne faire que ça, sans boire, ni manger ni dormir. Mais 1600 jours en y consacrant 4 heures par jours, soit à peu près 4/ 5ans. Et si on y consacre une heure tous les jours, ça veut dire qu’on atteint un peu de maturité après 20 ans de pratique.

Bien sûr il faut prendre du plaisir dès la première minute, ou presque. C’est vrai que ça demande plus d’efforts et d’exigence que beaucoup d’activités répétitives, dont le seul geste mécanique peuvent s’apprendre en une journée…

Le rituel c’est comme choisir la corde lisse qui te permettra de descendre en rappel dans les grottes de ton subconscient.

 

® CharlElie – NY  Fév. 20XV