Menu

Confesse Book

73 – Déjeuner à propos des jeunes

Déjeuner à propos des jeunes…

J’ai déjeuné il y a quelques jours avec des chercheurs du monde de l’éducation qui s’arrachent le peu de cheveux qui leur restent pour trouver des moyens d’atteindre la conscience de ces jeunes dont on parle, afin de leur transmettre une portion de savoir.

L’un d’entre eux m’a suggéré d’être un poil plus concis dans mes blogs.

-Tes articles sont biens, mais les jeunes ne lisent plus, ni les livres, ni les magazines. Ils sont habitués à des phrases courtes. Ils passent leur temps libre quasi exclusivement sur les social medias et du coup Ils veulent que ça aille vite. Ils écoutent la musique sur leur téléphone, ils ne vont plus au théâtre, au cinéma, et ils n’écoutent plus ce que disent leurs aînés …

-Oh là ! J’ai répondu, depuis quand « LES jeunes » sont dociles et obéissants ?  Les jeunes ont de l’énergie plein le corps, et ils veulent en découdre. C’est vrai qu’ils peuvent changer d’avis en un clic, mais ils débordent d’envies autant que d’illusions. Les jeunes ont besoin de se croire tout permis…

– Oui, mais ils ne restent plus concentrés sur les sujets, et tes textes sont un peu longs…

– C’est sûr, on leur a dit de faire « C » math, plutôt que « A » philo, que c’était plus sûr pour trouver du boulot, alors ils veulent des réponses.

– Au XXIème siècle, les jeunes se veulent dans l’action plutôt que dans la théorie.

Tout cela est sûrement exact, mais quoi, ne fait-on pas aussi de grandes généralisations pour dire ce qu’on veut ? Quand je suis à New York, à mon atelier sur la 36th street , je prends le temps de discuter avec ceux qui me visitent. Ils sont issus de tous les milieux. J’en vois de tous les pays. Tous différents comme des confettis. (Comme les vieux confettis d’ailleurs, sauf que les jeunes confettis se distinguent les uns des autres grâce à leur couleur plus flashy, moins désaturée par le temps).

L’Art est un bon prétexte pour entrer en contact avec les gens et savoir ce qu’ils pensent. Jeunes ou pas, qu’ils viennent du New Jersey, qu’ils soient en voyage scolaire d’Azerbaïdjan, de Corée ou du Jura ?

Tiens justement, l’autre jour, un gars originaire de Dole, accompagne sa copine qui vient s’installer ici, pour faire une école de commerce. Ils ont 24 ans tous les deux. Lui, il vient me voir de la part de sa mère qui apprécie ce que je fais. Il ne me connaît pas, mais bon, il est sympa, ouvert. On parle de choses et d’autres, et à un moment de la conversation, j’évoque « ImMortel », mon dernier album. Soudain, le gars me dit :

– Ah… ?  Benjamin Biolay ? Ah, oui, j’ crois qu’ j’ai déjà entendu le nom… » Apparemment, pas plus que de moi, il ne savait rien de lui.

Face aux nombreuses propositions, les jeunes se choisissent des niches.

Il y en a qui ne lisent pas bien sûr, il y a des mous paresseux et des violents complexés, (ben oui, y a toujours eu des êtres grossiers, des brutes brutes mal dans leur peau, c’est pas nouveau), mais il y a aussi ceux qui travaillent comme des malades et qui veulent s’en sortir. À Columbia University, la bibliothèque ne désemplit pas. Jour et nuit, il y a des étudiants qui cherchent des infos écrites et publiées. Pendant les périodes d’exams, il faut même réserver sa place. Oui, à la bibale ! S’ils ne lisent pas ceux-là, je ne sais pas ce qu’ils font ?

Les jeunes sont souvent utilisés comme arguments par les adultes pour justifier leurs propres lacunes. Noyés dans des statistiques, globalisés, on les fait surfer sur les lieux-communs, les mêmes truismes et vérités toutes faites qu’on dit sur « LES Américains », « LES Israéliens », » LES Français », « LES Arabes », « LES BlaX », « LES Zaziats », etc.

(À propos des amalgames, il y a des années j’avais écrit « LES Anglais en vacances », et plus tard encore  « Il est con ». Rien n’a changé, les généralités noient le poisson, comme les nouveaux « Charlie » camouflent sous une tenue de bonne conscience, une méchante propension à l’attentisme.)

Bien sûr, il y a toujours une part de vérité dans les généralités, mais chaque homme est responsable de lui-même, le fondre dans le magma d’une généralité a pour conséquence de lui ôter son pouvoir de décision, son libre-arbitre.

« Les Jeunes » du XXIème siècle connaissent les épées de Damoclès du chômage, de la crise économique, du Sida, à cela s’ajoute maintenant la guerre secrète avec les soldats invisibles d’un Islam prosélyte et cruel.

Les jeunes Occidentaux ont été chauffés, nourris et blanchis, habitués à un certain confort. Ils n’ont pas connu la peste, le froid et les disettes. Ils sont les petits-fils de l’industrialisation prônée comme un idéal. Ils vivent dans le creuset d’une civilisation consommatrice dans laquelle le client est roi, et les acheteurs potentiels courtisés par la pub. Ils n’y sont pour rien. Ils ont été irradiés par les ondes de l’hyper communication, l’ordinateur portable, la tablette, et le téléphone cellulaire sont greffés à leurs paumes,  ils utilisent ces outils comme d’autres maniaient le silex, le marteau et le ciseau à bois, le pinceau, la plume d’oie, la Sergent-Major, le stylo Bic ou le feutre Tempo.

Certains tentent d’adopter des positions d’éthique et de refus que leurs aînés expansionnistes ne comprennent même pas.

À chaque génération, un même défi ; celui de la flexibilité et de l’adaptation. Eux, ils sont confrontés à des réalités différentes de celles qui ont encadré leurs aînés. De même ils s’alimentent avec ce qu’ils trouvent sur les  étales des centres commerciaux, de même LES jeunes » cherchent à s’adapter à une situation technologique qui évolue hyper rapidement.

Dans le monde animal, les espèces doivent immanquablement s’adapter à leur biotope, une condition sine qua non de leur survie.

Bon, je sais, j’ai encore été un peu long.

Xkuz, même quand on le veut, on se r’fait pas…

® CharlElie – NYC 20XV