Le réchauffement planétaire a un prix. La facture à payer sera lourde. Heavy metal. Après des années de déflation, nous allons vers une inflation inéluctable.
Bien sûr, que c’est une bonne chose de croire au Progrès de la science, chercher de nouvelles solutions, de nouveaux matériaux performants, se persuader que la chimie, la technologie, qui nous ont amenés là où l’on se trouve, sauront aussi nous en sortir. Bien sûr qu’il est nécessaire d’envisager d’aller vers des énergies renouvelables non polluantes quand on sait que ce sont les lobby pétroliers (et ceux du tout électrique) qui, dans les années 1950, ont asphyxié la recherche en matière d’énergie solaire. Mais, après n’avoir rien fait de concret en faveur de l’écologie, le Gouvernement décide sur un coup de tête de foncer tête baissée sur la voiture électrique. Certes l’abandon des énergies fossiles est inexorable, mais les constructeurs ne peuvent pas fournir les pièces nécessaires pour fabriquer les nouveaux véhicules. L’acier vient à manquer (ou son prix augmente dans des proportions exorbitantes), les plastiques haut de gamme et les puces et micros composants électroniques deviennent impossibles à trouver. Le cahier des charges est impossible à tenir.
Le Canard Enchaîné a publié un article de Jean-Luc Porquet, évoquant la question des métaux rares dans les voitures électriques… À l’heure actuelle, les batteries équipant les véhicules électriques sont lourdes, coûteuses et bourrées de métaux rares. Dans la Tesla Model S, considérée comme la plus performante du marché, on ne trouve pas moins de 16 kg de nickel. Que ce soit en Indonésie ou à Goro en Nouvelle Calédonie,le nickel ne se trouve jamais à l’état pur, mais en faible proportion dans le sol. Pour l’extraire il faut creuser et creuser encore, broyer, cribler, hydrocycloner le sol pour un résultat à peine suffisant qui génère des tonnes de résidus souvent déversés dans la mer ! Et puis le lithium. Toujours pour les batteries de la Tesla Model S, il en faut 15 kg provenant des hauts plateaux des Andes. Pour l’extraire, on creuse sous les lacs salés ce qui entraîne une catastrophe écologique pour les villageois autochtones. Et puis aussi le cobalt : 10 kg par batterie. Là c’est en Afrique que ça se passe, au Congo où l’on fait travailler des enfants creusant à mains nues dans des mines artisanales pour seulement 2 dollars par jour. Pour couronner le tout, les batteries étant terriblement lourdes (1/4 du poids de la Tesla Model S), on allège les carrosseries en utilisant l’aluminium dont l’extraction génère ces boues rouges, déchets insolubles issus du traitement de l’alumine avec de la soude, boues rouges dis-je, composées de métaux lourds tels que l’arsenic, le fer, le mercure, la silice et le titane, que l’on déverse aussi dans la mer au mépris des questions d’environnement, comme à Gardanne dans les Bouches-du-Rhône.
Smartphones, ordinateurs, batteries de véhicules, éoliennes ou panneaux photovoltaïques, mais aussi robotique, armement et drones, les révolutions numériques reposent sur la transformation de matières premières critiques qu’on appelle les « terres rares », qui sont en fait des minerais, dont la production est limitée. Selon l’ONU seulement 1% des « terres rares » sont aujourd’hui recyclées.
Alors, imaginer que le progrès saura nous sortir du pétrin dans lequel nous entraîne le goût du profit, est un leurre, un mensonge confortable qui sert seulement à justifier une consommation d’un autre siècle. Le nier ou feindre de l’ignorer ne résoudra pas le risque d’un effondrement cataclysmique qui nous menace pour de bon, pour de mal. Alors oui, bien sûr qu’il est nécessaire de remettre fondamentalement en question nos modes de vie, nos déplacements ou notre alimentation, réduire la consommation d’une façon générale. À l’échelle de chacun, il faut impérativement consommer moins, faire réparer plutôt qu’acheter du neuf, recycler.
Les candidats à l’élection présidentielle peuvent noyer le poisson et se complaire dans des fausses questions identitaires ou sécuritaires, nous allons entrer inexorablement dans des aires de grands frissons et autres tumultes liés à la pénurie de terres rares.
CharlElie COUTURE