En 1993 j’ai écrit cette « chanson de la petite rivière », à la suite de quoi j’avais financé (je le pouvais à l’époque) sa remise à niveau sur une dizaine de kilomètres, par le biais d’une association supervisée par l’ONF et la LPO, j’y suis retourné il y a quelques jours, malheureusement aujourd’hui c’est redevenu comme avant, et c’est encore pire, car il n’y a plus d’eau…
Chanson de la petite rivière
Une rivière coule en bas dans la vallée
Comme une petite rivière qui se laisserait aller,
Peu à peu envasée, assagie, asphyxiée, ralentie,
Les embâcles ont cassé le courant et le sable s’est déposé insensiblement,
Les mousses ont envahi les pierres, petit à petit la rivière
s’est couchée dans son lit.
Une rivière coule en bas dans la vallée,
Comme une petite rivière qui se laisserait aller,
À l’abandon au gré de la nonchalance des saisons polluées par négligence,
Sur cette terre cultivée en cadence ou industrialisée sans prudence,
Les poissons s’en vont quand ça sent le poison sous les draps de la pluie,
La rivière s’est couchée dans son lit.
Une rivière coule en bas dans la vallée
Comme une petite rivière qui se laisserait aller,
Peu à peu l’eau se brouille avec l’homme quand l’homme la souille comme
Ces ferrailles qui rouillent, ces déchets, ces gravats, ces arbres morts et ces branches en tas,
Ou ces vieux ressorts de matelas qui salissent le lit de cette rivière-là.
Une rivière coule en bas dans la vallée,
Comme une petite rivière qui se laisserait aller,
Y a plus de haies, les berges s’éboulent, mais c’est le monde entier qui s’écroule,
Quand la faune et la flore disparaissent du décor comme ici mais tout n’est pas fini,
Peut-être qu’il faut prendre parti pour que la Poésie réveille
Une rivière qui se couche dans son lit.
CharlElie
©Flying Boat
Septembre 1993