On a tous un copain, on a tous un pote, on a tous un ami qui s’est trompé. On a tous un ami qui un jour, a fait une connerie. Un copain qui a pris sa caisse et qui a roulé vite, roulé beaucoup trop vite et qui s’est (au mieux), retrouvé dans le fossé. On a tous un copain dans l’urgence, un copain pressé qui refusait d’attendre de gagner au Lotto pour être riche et qui s’est mis à voler, et taper dans la caisse mieux qu’un batteur sur ses peaux de tambours et cymbales à vingt balles. On a tous un copain qui, dans la famille « caisse », grosse caisse, ou caisse claire, s’est pris une telle caisse qu’il a perdu les pédales du vélo de la raison, complétement déjanté, il s’est autorisé à dire des choses qu’on ne doit pas dire, des mots qu’on ne doit jamais dire !
On a tous un copain qui, un jour, vous a mis dans l’embarras. Un pote qui a pété les plombs comme disent les chasseurs, un copain qui a craqué, et cassé devant vous deux années d’abstinence ou son régime hypocalorique et mangé du sucre plus qu’un grizzli s’en prenant à une cuve de miel, un ami qui s’est lancé un défi et qui a bouffé du piment ou une cuillère de cannelle jusqu’à vomir tripes et boyaux par-dessus le balcon.
On a tous un copain qui a joué dans un mauvais film/une mauvaise pièce, qui a participé à un jeu télé complétement con, qui a écrit une œuvre insipide persuadé qu’il avait fait celle du siècle, ou qui a repeint le plafond de son appartement dans les couleurs acides avouant ainsi à la face du monde son manque total de goût pour l’élégance distinguée, un copain la casquette à l’envers qui a plongé tout habillé dans la piscine, ou qui a fait une blague qui a mal tourné, un copain qui a raté un plat ou mis le feu à la poubelle par inadvertance, qui a changé la prise et fait péter le transfo, qui a effacé les données de l’ordinateur central ou balancé la fameuse enveloppe que tout le monde cherchait à la poubelle…
Oui, on a tous un ami qui a fait une connerie. Un pote, un bon copain, qui est devenu mauvais une nuit de pleine lune, qui s’est transformé en loup-garou, et qui s’est mis à courir la campagne le pantalon baissé, levant les bras comme un satyre. On a tous un copain qui a dit « tu peux crever », qui a voulu la mort de l’arbitre du match, la mort de son voisin, la mort de Poutine, de Kim Jong-un, de la famille Trump ou de Neptune. Un copain énervé qui a perdu le sens des réalités, qui a défié les Talibans comme s’il s’agissait d’un adversaire sur une plateforme d’e.game, qui a menacé Dieu un jour de mauvais temps ou qui a fait appel au Diable pour disgracier ses propres démons.
On a tous un copain qui a fait une belle connerie, ou une moche, une connerie plus ou moins grave, petite connerie, moyenne, grande ou à la folie…
On a tous un ami déraisonnable et sans limite, qu’on devine parfois dépassé par ce qu’il ressent, capable de générosité et d’outrances, parce qu’il est déjà grand mais qui se voudrait géant, un ami qui a une grande gueule et qui peut être drôle, qui est comme il est, et c’est aussi pour ça qu’on l’apprécie, et que ça change de tous les emmerdeurs puritains, hypocrites et dociles faux-culs masqués, les obéissants et vils sycophantes, les donneurs de leçon et « vaccinés du premier jour » qui s’en referont mettre une quatrième dose si on leur dit de le faire, les ceusses qui se veulent sous contrôle, ceux qui prônent la maîtrise de soi et la zénitude sage, ceux qui accordent au temps la longueur de temps mais qui ne voient pas l’instant comme un fragment de l’éternité à l’épicentre des quatre points cardinaux, (auxquels on ajoutait le « haut » et le « bas », la « vie » et la « mort » dans les croyances ancestrales).
Et même si l’on espère bien sûr que ce satané jour-là sera le dernier, et qu’il saura la prochaine fois, s’arrêter à temps quand l’ado qui est en lui aura enfin grandi, on a tous un copain qui est faillible.
Mais quoi ? c’est aussi ça être un humain. La société du XXIème siècle voudrait que tout soit lisse et évident. Pourtant même si nous vivons à l’ère des exceptions montées au pinacle pour confirmer la règle, celle des jugements sévères, des condamnations à l’emporte-pièce, celle qui vous rend fou à force de vous faire enfiler la bure de la grande Morale, on se doit d’admettre (même inconsciemment) qu’en d’autres circonstances, on aurait pu être celui qui a commis la faute. Les blancs-blancs purs-purs, les chevaliers sans faille et sans faiblesse, sont bons pour inspirer Walt Disney et/ou alimenter le manichéisme de scénarios simplistes.
On a tous un copain, un pote, un ami qui, un jour (ou peut-être une nuit) a fait une connerie, un copain qui a reconnu sa faute, qui a demandé « pardon » même si ça ne suffisait pas…
On a tous un ami inexcusable,
Et pourtant un ami.
Que celui qui n’a jamais pêché,
Jette la première pierre…dans la rivière.
CharlElie COUTURE
Août 2021