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Confesse Book

06 – La vieille dame et son diurétique

Il a bon dos le principe de précaution qui justifie toutes les âneries et mène à une perte progressive du rêve de Liberté.

Être libre c’est assumer ses choix. Avec le principe de précaution, il n’y a plus de réflexion, plus de logique, on applique des protocoles fondés sur la théorie du pire.

La théorie du pire, c’est le cauchemar de l’intelligence.

La théorie du pire vous asphyxie de ses tentacules d’angoisse.

La théorie du pire freine les décisions, et vous ensable dans les marais du doute.

La théorie du pire est vraie en politique, en économie, en science sociale ou même dans les garages.

Désormais les mécaniciens ne comptent pas le temps réel qu’ils ont passé pour changer les bougies, ils vous facturent avant même d’avoir commencé, en appliquant un barème fondé sur le temps maximum qu’on peut estimer pour changer des bougies.

Ce qui s’est passé avec la vieille dame et la pharmacie de St Malo est emblématique du délire dans lequel on vit.

Résumé de l’affaire : Une (pas dix), une vieille dame seule un peu distraite confond sa pilule de Furosémide (diurétique) avec du Zopiclone, (somnifère). De nature acariâtre, un tantinet atrabilaire, elle retourne voir la pharmacie malouine qui lui a vendu les boîtes, bien décidée à en découdre avec l’apothicaire. La vieille tombe sur l’assistante du pharmacien. Elle se plaint, maugrée tant et si bien que l’assistante un peu fragile panique ; elle ne veut pas contredire la vieille dame qui a remis les pilules dans les plaquettes. (… ?) L’assistante hésitante appelle le pharmacien depuis l’arrière-boutique mais le potard est occupé à autre chose. Il ne vérifie pas lui non plus les dires de son assistante et déclenche l’alerte pour se couvrir au cas où. La presse s’en mêle. C’est la panique. Des milliers de boîtes sont ravalées. Ça fait la une des journaux. On écrit (à tord) sans vérifier qu’un gars à Marseille qui prenait les deux mêmes médocs, est mort pour les mêmes raisons. Ça prend des proportions de ouf. L’usine qui fabrique Furosémide et Zopiclone arrête sa production, rembourse les boîtes, fait vérifier une par une des milliers de boîtes.

Pourtant, au bout de huit jours, on n’a beau faire, on ne trouve rien qui d’anormal.

Alors, enfin seulement commence le ressac, enfin seulement on se pose la question de l’origine du mal, et enfin seulement, on s’aperçoit que tout ce barouf ne provient que d’une origine unique : une vieille octogénaire qui s’est mélangé les doigts arthrosés en rangeant elle-même les pilules…

On aurait voulu écrire un scénario satyrico-tragi-comique sur le sujet, aucune production n’en aurait voulu pour cause d’invraisemblance

Comme si un mec qui vient d’avoir un accident de bagnole, se justifiait face aux pompiers en disant que « les freins n’ont pas répondu », et comme si les pompiers par voie de conséquence immédiate en guise de principe de précaution, alertent la presse qui suggère qu’on retirât immédiatement du marché cent mille voitures du même modèle aux fins de vérifier le système de freinage, et avant seulement qu’on se fut aperçu que le type était bourré et que c’était peut-être ça la cause première du retard dans son freinage.

Ce qui me choque, c’est que ces excès de précautions ineptes ne scandalisent plus personne. Les gens ont pris l‘habitude des alertes à la bombe pour cause d’un sac oublié dans un aéroport, ils ont accepté l’idée morose de la politique du pire et ils utilisent souvent eux aussi le mot « risque » comme synonyme de la « peur ».

Un spécialiste, un expert, un conseiller, un gestionnaire, est quelqu’un qui, logiquement, sait de quoi il parle ; il est supposé être capable de prendre une décision en faisant une analyse qui tient compte des circonstances et des forces en présence… Mais s’il choisit un bazooka pour dégommer un moustique, alors c’est qu’il s’est trompé dans ses calculs.

Sous le prétexte de précaution, doit-on admettre n’importe quoi ?

Non !

Un bon analyste fait la bonne analyse, un mauvais fait la mauvaise.

C’est simple: sous estimer un danger est une erreur, tout comme surestimer un danger est une aussi grave erreur.

Mais personne n’est responsable de ses erreurs, alors pourquoi se priver?

Quand Roselyne Bachelot a fait acheter par le ministère de la santé 90 millions de doses de vaccins anti gripe H1N1 qui se sont avérées inutiles, elle n’a pas été jugée responsable de sa connerie.

Il n’y aura pas de poursuites…

La vieille ne sera pas poursuivie pour irascibilité, l’assistante ne sera pas poursuivie pour incompétence, le pharmacien ne sera pas poursuivi pour « niaiserie », les journalistes ne seront pas poursuivis pour incitation à la révolte, non ! Les choses reprendront leur court et les Laboratoires TEVA ressortiront éventuellement même grandis pour avoir démontré leur aptitude à réagir vite (on peut aussi parier qu’ils sauront même profiter des commentaires élogieux qui ont été faits quant à l’hygiène de leur chaîne de production.)

L’année dernière à la même époque, les mêmes dépressifs obsessionnels nous harcelaient avec les menaces de fin du monde du calendrier Inca,

l’année d’avant les mêmes couards se faisaient revacciner contre la grippe dite « porcine », après qu’ils se furent déjà faits vacciner contre celle dite « aviaire »,

de même il y avait eut le danger d’une guerre bactériologique sur fond d’Antrax et de poudre à éternuer, etc.

Le principe de précaution est une invention moderne perverse qui a pour effet de poser un voile d’obscurantisme sur ce qui était transparent.

Le monde devient chaque jour plus ubuesque,

To be or not Ubu.

 

@ CharlElie – New York – 20XIII