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Confesse Book

488 – On dit que « les affaires reprennent »

Y a quand même une bonne part d’enfumage dans l’idée que les affaires reprennent. Certes il y a une reprise, une sortie de crise tant espérée, mais on ne peut pas dire non plus que ce soit la ruée. Prêts à toutes les plaidoiries, harangues, provocations ou pitreries pour donner le sentiment qu’ils sont les meilleurs, les ceusses du Pouvoir utilisent leur outil média pour jouer la scène de la « positive attitude ». Dans la réalité des faits, c’est plus laborieux. Bien sûr que ça fait plaisir de revoir « les gens » mais ceux-ci sont (comme le saucisson), les mêmes qu’avant. Les gens n’ont pas changé. Les gens ont les mêmes problèmes, stigmatisés qui plus est par ce qu’on vient de traverser durant quatorze mois. Alors oui, les gens sont soulagés de pouvoir à nouveau sortir, se croiser mais c’est aussi le prétexte pour échanger/avouer leurs difficultés de vie, de survie. « Demain » n’est pas une autre vie saine et communautaire, généreuse et universelle comme l’ont rêvée les utopistes. Non, « Demain » c’est la même vie ! Si nombre de couples n’ont pas résisté, d’autres ont tenu et se sont renforcés dans l’épreuve. Les jeunes parents se sont d’abord régalés de pouvoir enfin profiter de leur progéniture, puis avec les semaines se répétant, ils se sont rendus compte qu’ils n’avaient pas tous la fibre de l’enseignement. Certains ont changé de voiture pour s’apercevoir que les nouvelles voitures coûtaient terriblement cher, – Eh faut bien payer toute l’électronique nouvelle implantée d’office dans les véhicules. Globalement tous les prix et tarifs ont augmenté mais pas les salaires. Alors on sent une ambiance de fête un peu forcée…
Samedi, heureux de se prendre dans les bras sans complexe, on s’est retrouvés enfin à Monéteau, près d’Auxerre pour un bon concert de reprise plein de toutes ces énergies accumulées. Conscients de certains petits ajustements nécessaires pour retrouver de la confiance face à une salle pleine à 65% dans la jauge autorisée de spectateurs assis et masqués, on avait tous hâte de la prochaine date, pourtant beaucoup de festivals estivaux ont mis tellement de temps à redémarrer qu’ils ont reporté leur programmation à 2022…
Dimanche, merveilleuse journée au parc de Villeroy, pour journée de signatures au salon du livre de Mennecy. L’occasion d’échanger sans stress avec des lecteurs et spectateurs surpris de la proximité qui leur était donnée là de me rencontrer. Les auteurs (dont David Foenkinos) se voulaient contents d’être là, mais force fut d’admettre que, malgré le contexte bucolique, le public en goguette était majoritairement venu se promener. La reprise, c’est se dégourdir les jambes…
Lundi. Studio studieux au 6ème Son où j’ai enregistré la chanson « Madidja », un texte écrit par des enfants hospitalisés à l’hôpital de la Timone, à Marseille. Depuis dix ans les acteurs et actrices de la compagnie « Après la pluie » s’efforcent de récolter leurs textes, pour les mettre en musique, faire des spectacles et des CD, qu’ils diffusent ensuite dans tous les CHU de France. Jean-Jacques Goldman, Aldebert, Mouss et Hakim du groupe Zebda, Ariane Ascaride, Sanseverino et Janvier Claider D des Massilia Sound System avaient été complices des albums précédents…
On dit que « les affaires reprennent », mais pas pour tout le monde à la même vitesse. L’envie dans l’air ne suffit pas. Ça bouchonne partout. Beaucoup d’appelés, peu d’élus. Les boîtes de prods saturées de demandes, les projets mettent longtemps à se monter. D’autant que les décisions sont difficiles à prendre. On voyage le monde en Zoom ou WhatsApp. La dématérialisation digitale a transformé le monde. Désormais la moindre proposition est instantanément transformée en « concept » et règnent en seigneurs les commerciaux du marketing. « Porteur ou non-porteur » ? Politiquement correct ? Discriminatoire ? Sexiste ? La question du genre risque t-elle de poser problème ? Vous vous adressez à quel type de consommateur ? Quelle tranche d’âge ? Quel clivage ?
En répondant aux questions seul chez lui devant l’œil de son téléphone, qui qu’on soit, grands professeurs, architectes, acteurs ou ingénieurs, chacun passe des auditions, se vante pour se vendre ou défend sa morale via Google Meet, mais cette histoire de meetings ou d’interviews en « non- présentiel » est juste un filtre d’une effroyable inhumanité…
J’avais envie de le faire depuis la réouverture, pourtant j’ai trouvé le temps seulement hier de retourner au cinéma. J’y au vu « Nomadland » de Chloé Zhao avec la formidable actrice Frances McDormand. Attention Chef-d’œuvre !!! Après quoi, nous sommes allés tranquilles nous régaler au restaurant. Une bonne soirée, une soirée presque normale, une soirée de reprise, une soirée comme avant,
Enfin presque…
CharlElie COUTURE
15 juin 20XXI