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Confesse Book

476 – Des mois sans jouer.

Aujourd’hui il fait froid/frais mais beau. Des mois sans jouer. Mon corps me le reproche. Alors, au diable les dix kilomètres de rayon, je vais taper des balles avec mon copain Michel…
Je roule, je roule en faisant gaffe aux radars, gaffe aux caméras de surveillance, bref, je roule aux aguets.
Un énième feu rouge m’interrompt. À côté de moi un petit camion se gare en parallèle. J’entends la musique qui sort de sa vitre entrouverte. Un funk africain dansant qui me fait instantanément dodeliner de la tête. Le chauffeur le remarque. Content que j’apprécie ce qu’il écoute, il monte un peu le volume. Je swingue de plus belle et tourne la tête dans sa direction. Lui livreur, moi sur mon scooter. Un grand sourire éclaire son visage jovial au volant de son Jumper. Le temps de quelques mesures, on est sur le même groove lui et moi. Je lui fais un signe de remerciement pour les quelques secondes de plaisir qu’il me procure. Il me répond par un coup de klaxon. Et je reprends route. J’ai la patate. La vie est belle parfois. C’est bon la musique. Le partage.
Stop essence. Après avoir fait le plein dans le réservoir, pressé par une envie d’âge mûr, je demande à la fille au comptoir si je peux utiliser les toilettes afin de vider mon réservoir interne. Limite outrée par ma question incongrue, elle me répond comme une évidence qu’avec le COVID, il n’y a plus d’accès aux sanitaires.
– Hein… Mais quoi ? Explique-moi, le rapport entre cette station essence et la propagation du virus ? Que je sache, on ne va pas aux toilettes à plusieurs !!! Monde à la con ! Le prétexte sanitaire a beau jeu de nous mouliner la cervelle jour après jour. Ça me rappelle cet hôtel qui « pour cause de COVID » ne faisait que les chambres des clients qui l’avaient spécifiquement demandé… N’importe quoi !!
Bref, quelles que furent mes inquiétudes sur la route, j’arrive sans encombre et à peine stationné que j’ai déjà oublié le trajet et la fringale de tennis prend le dessus sur mes pensées maussades…
Je jouais déjà avec Michel, à Brooklyn quand nous habitions à NY. Maintenant de retour en France, je le retrouve sur ce bon terrain installé au cœur du parc de la résidence qu’il habite résidence. 5000 habitants et pourtant les courts sont libres…
Je suis un peu interrogé: comment mon corps assagi depuis des mois devant l’écran d’un ordinateur va t-il réagir face à l’effort qui lui est soudain demandé? Heureusement cela revient vite. Certes, je ne suis plus capable de prouesses, mais je retrouve la même joie à pratiquer ce sport. Sans l’âpreté d’un combat, cet ami et moi nous « échangeons » des balles, plutôt comme un dialogue. Régulier, sans esbroufe, avec une constance maîtrisée, Michel remet la balle inlassablement entre les lignes. Certes, j’arrive à le déborder de temps en temps avec des frappes lourdes et des passings risqués, mais je fais trop de fautes et sa régularité m’asphyxie. Quand on comptait les points, immanquablement il me battait. Alors on a cessé de compter… On s’amuse d’ailleurs tout autant à faire des balles, des « belles » balles sans mauvaises intentions. Michel qui est un artiste accompli qui a par ailleurs le goût du beau geste. En quête du « geste parfait», chacun son astuce, chacun son truc glané sur un tutorial internet. On s’échange nos bons conseils. Il m’aide à régler mon coup droit, tandis que je lui conseille un changement de rythme sur son service.
Passionnés, aussi heureux que des musiciens amateurs qui se retrouvent en harmonie, on se réjouit quand une belle balle claque dans le cœur du tamis.
Derrière le grillage, j’entends les commentaires de gamins qui nous observent : « Tu vois c’est comme ça qu’il faut faire dit l’un d’eux à son cadet.
– Ça a l’air rudement dur répond l’autre »
Au bout de deux heures,
– Salut, merci encore de ton invitation…
– À bientôt, par exemple.
Je suis rincé et je repars, chemin inverse. À un autre feu rouge, voyant la forme de mon sac à dos un grand type casqué me demande si je vais jouer. Je réponds que c’est chose faite et qu’il est temps pour moi d’aller me rassasier. Ayant reconnu ma voix, il me gratifie de quelques phrases aimables et un salut plus tard, j’en suis pour trois quart d’heure d’autoroute.
Une fois back home, bien que fourbu, je me sens mieux.
Vivement que cessent ces mesures obscures.
Si l’on parle de santé, le sport procure la meilleure cure de bien-être.
CharlElie
18 Avril 2020