Pour beaucoup « Noël » égal « cadeaux », égal « un devoir de faire plaisir ». Mais comment? À quel prix? De même ce qu’il y a dans mon assiette m’importe moins que l’intention qu’on m’a servie, de même le prix d’un cadeau a moins de valeur que l’intention.
J’avais six ou sept ans et je me souviens de ce gros tube de gouache blanche que mon père m’avait offert avec trois beaux pinceaux « Raphaël » en poils de martre et une dizaine de feuilles de papier Arches. Peut-être que ce cadeau a déterminé mon envie de devenir artiste? C’était un cadeau sérieux, digne, un cadeau d’adulte, qui sortait d’autant de l’ordinaire que mon père se préoccupait rarement des fêtes. Penser qu’il ait pu faire ce choix ressemblait à un encouragement.
Ma mère, elle, nous offrait souvent des habits, (un pull, une casquette, une veste blazer, des gants ou un pantalon qu’on allait choisir ensemble.
J’ai toujours préféré les cadeaux « utiles » aux jeux et jouets.
Pourtant je me souviens d’un cadeau que m’avait offert l’un de mes oncles à son retour des Etats-Unis : un avion en métal avec des lumières clignotantes. Il était lourd et j’imaginais ses efforts pour l’apporter jusqu’à chez nous! J’aimais tellement cet avion que je ne voulais pas le quitter. Aussi, le soir même, je l’ai pris avec moi dans la baignoire et, comme de bien entendu, il n’a plus jamais fait de lumière. Un avion d’un jour, que j’ai gardé comme un trésor pendant des années. Un psychanalyste trouverait peut-être un lien entre ce cadeau inerte, et la chanson qui a fait « décoller » ma carrière?
Mon parrain lui, m’offrit une mini guitare. Mon parrain ne faisait rien comme tout le monde. Il fumait beaucoup, il faisait des blagues, il riait fort, et surtout son emploi de comptable chez les « Films du Griffon » de Max Pecas, réalisateur de films frivoles et autres nanards érotiques faisait de lui un héros à mes yeux, lui qui jouait de la guitare et chantait du Georges Brassens. Il était d’ailleurs le seul chanteur de la famille. Un certain Noël, il m’offrit une guitare en bois, plus proche d’un Ukulélé que d’une guitare, que je reçus comme un relayeur à qui l’on passe le bâton. C’est sur son manche que j’ai commencé à jouer ce qui me passait par la tête.
Quand mes deux filles étaient petites, Noël devint une compétition, tout le monde cherchant à plaire à tout le monde, une dune de papiers colorés et brillants enrubannée s’élevait sous le sapin. Pour faire cesser cette gabegie, nous avons convenu d’ une règle : chacun apporte UN SEUL cadeau, qu’il souhaiterait pour lui-même. Ensuite chacun tire un numéro dans un chapeau, ainsi le n°1 choisit en premier ce qu’il veut sous le sapin. Il ouvre son paquet et le montre. Quand vient le tour du second, il choisit idem sous le sapin, mais une fois ouvert il peut décider (ou non) de l’échanger contre le premier. Et ainsi de suite idem pour le 3ème, le 4ème, et toutes les personnes présentes. On a droit qu’à un seul échange et c’est non négociable. Quand arrive le dernier, il n’a certes plus le choix sous le sapin et doit se contenter de la dernière boîte, en revanche, il peut échanger en connaissance de cause puisque dés lors tous les cadeaux ont désormais été ouverts. Vient enfin le dernier tour, celui du premier qui n’avait pas pu échanger (et pour cause). Choisira t-il ou non de remplacer celui qu’il a par un autre ? Ludique et convivial, ça génère des éclats de rires, quand celui qui adorait ce qu’il avait, se le fait chiper par un autre….
Je ne suis pas un grand consommateur profitant désormais de la facilité paresseuse de se faire livrer n’importe quoi via Amazon, de plus comme je hais l’urgence des cohues de dernières minutes dans les magasins, je préfère l’option d’offrir un objet (ou un jeu) que j’ai inventé/dessiné ou construit, plutôt qu’un autre acheté. Cette année, voici celui que nous avons fabriqué (ma fille Yamée et moi) pour un copain fan d’échecs…
Joyeux Noël !
CharlElie Couture.