Chaque génération a son style. Moi, je viens d’une époque électrique qui avait inventé une attitude que n’existait pas jusque là qu’on pourrait appeler d’un côté « l’envie de paresse » et de l’autre un certain « j’m’en foutisme désinvolte ».
Aujourd’hui ces mots ne reflètent plus du tout l’âpreté et l’urgence dans laquelle vivent ceux qui ont le sentiment de s’être fait bernés par les différents systèmes et qui veulent en profiter coûte que coûte, en prônant un sorte de « après moi le déluge
Tout ça c’est la faute du temps. On vit dans une dictature de l’urgence. Toujours pressé. Pressé de devenir quelqu’un. Mais comment ? Il y a toujours bcp de candidats. Le travail n’est plus offert, il faut aller le chercher.
Devenir qui ?
Pressé de réussir, pressé d’arriver à destination, pressé d’y arriver. Pressé de gagner le prochain match avant de l’avoir joué…
On construit sur du sable. Tout est lié à l’impatience. Il faut faire vite.
Le vocabulaire des publicitaires est si direct qu’il est compris par les jeunes enfants voulant avoir accès aux merveilles dont la pub vante les mérites.
Gagner de l’argent, vite pour devenir un homme, un vrai homme, un vrai consommateur. Gagner de l’argent pour consommer et devenir quelqu’un. Devenir une femme de plus en plus vite, de plus en plus jeune, devenir une vraie, une miss, une qui se maquille et qui achète plein de produits de beauté… Ecran extra plat, bagnole, cosmétiques foot ou n’importe quoi.
Alors les ados s’ennuient à l’école comme des plantes en pot, ils ont hâte de retrouver la nature de leur « être-consommateur », pour devenir à leur tour un des rouages de l’infernale mécaniqu
C’est le temps qu’on craint, c’est le temps qu’on veut tromper. Les gangsters qui ont rempli les prisons était toujours des impatients, un « pas-scient », ignorant la temps les bandits ont toujours voulu réussir trop vite, si tu veux être riche tout de suite, tu voles, si tu veux te vider les couilles tout de suite, tu violes. Et t’aboutis là entre quatre murs et tu dois attendre, apprendre à attendre comme un chien en cage, comme une orque qui s’est fait prendre et qui est prisonnière dans un aquarium…
Il y a dans l’air depuis la fin de la deuxième guerre mondiale une urgence irréversible créée par la civilisation industrielle et aujourd’hui relayée par les tortionnaires de la finance. Avant on consommait au rythme des saisons, au rythme du temps, maintenant on doit obéir aux exigences des chefs d’industrie qui doivent nourrir leur actionnaires. Aujourd’hui l’homme doit consommer au rythme de la production des machines sans cesse plus performantes.
C’est la même urgence qui pousse à diffuser des informations avant de les avoir vérifiées, la même urgence qui pousse à extraire de l’info ce qu’elle peut avoir de plus attractif, de plus choquant de plus caricatural. Parce qu’il y a tant de propositions qu’il faut toujours aller ver le plus simple.
On n’a plus le temps de s’imprégner de rien, ni de musique, ni de pensée médium. On vante les exploits de l’homme le plus rapide pas ceux de l’homme le plus lent.
On est fasciné par les records, mais quels records ? Par rapport à quoi ? Quel est le sens du Guiness des records à l’échelle du temps ?
Les résultats du bac sont désarmants. On donne son bac à des gens qui ne savent plus lire parce qu’il faut satisfaire des exigences du rectorat qui lui-même se veut plaire au ministère qui lui même veut répondre à des promesses électorales au départ absurdes. Et si les chiffres ne sont pas atteints, on modifie simplement la cotation ou le taux d’évaluation. Comme si pour gagner une heure par jour, on se mettait à dire qu’une heure sera désormais de 62 minutes et 30 secondes… mais ces calculs d’escroc ne changent rien à la durée qui reste fixe.
® CharlElie – Août 2014