Adoptant cette fois la posture du « gentil », – qui est d’ailleurs à peu près la même tête que celle qu’il fait quand il joue le « méchant »-, tout en suggérant de « rester prudent » – ce qui ne veut tout et rien dire – le premier ministre vient d’annoncer ce qu’on savait déjà, à savoir la confirmation pour le 2 Juin de la levée de la plupart des barrières de «mesures-barrières», afin que le train du commerce puisse se remettre à circuler sur les rails de nos vies économiques. Même si tous les citoyens ne sont pas logés à la même enseigne, certains poussent un ouf de soulagement: Enfin, tant mieux pour eux!! Pour autant ce n’est pas réglé pour tous ceux qui régalent. Ni les artistes, ni les restaurateurs artisans, ni les gens du cœur, de l’oeil et de la bouche ne sont réellement soulagés par les nouvelles contraintes imposées, non inapplicables partout : tous les restos n’ont pas une terrasse, impossible d’imposer la distanciation dans un bistro souvent étroit… Et les théâtres ? Et les cinémas ? Pour eux comme pour beaucoup il faudra encore attendre, va t’en savoir pourquoi, le 22 Juin (lendemain de la fête de la musique). Un mois encore à pédaler sur un vélo aux roues voilées. Mais constatant que les pays limitrophes ont relâché la pression et qu’ils autorisent à nouveau le tourisme, tel un marionnettiste tirant les ficelles, esquissant un sourire de satisfaction, après nous avoir enfoncé dans la mouise d’un sur-confinement finement dé-confiné, le premier ministre nous annonce en quelque sorte la fin de l’épidémie de COVID19, ce que chacun a pu constater de lui-même depuis trois semaines.
Pourtant, aveuglés par les escarbilles des combats entre les médecins et chercheurs œuvrant dans les multiples strates de l’administration ou pratique médicale, de nombreux téléspectateurs même parmi les plus sensés, avaient du mal à imaginer qu’un jour cette situation opaque puisse finir. Etouffés par un bourrage de crâne incessant, obsédés par la peur panique de mourir s’ils venaient à désobéir, refusant d’admettre les évidences, ils étaient eux-mêmes devenus les apôtres d’un catastrophisme insane. À longueur d’émission, on pouvait les entendre crépiter, jouant à se faire frire de frayeur en remettant de l’huile sur les feux de l’enfer.
Pourtant voilà, comme prévu les courbes s’affaissent et il n’y a plus vraiment rien à craindre… Euh, du moins pour ce qui est de ce printemps 2020. Le virus réapparaîtra t-il sous la forme d’un Covid20 ? Sûrement, oui. C’est fort probable. Oui et alors ? Serons nous re-confinés demain ? Pas impossible. Fini les « Gare à vous! », au grand dam des petits chefs (de gare) se gaussant de vous faire plier en vous imposant un masque arrivé trop tard et désormais inutile? Et la distanciation sociale ? Et l’espace sanitaire? Et ces longues queues dans la rue devant les lieux publics? Fini tout ça le 2 Juin? Pas certain, on sent bien que beaucoup y ont pris goût. En tout cas, ils savent qu’ils peuvent compter sur le soutien infaillible des « Forces de l’Ordre » qui ont montré une fois encore leur allégeance dévouée et leur subordination au Pouvoir en place.
Pourtant des milliers d’heures concentrées autour des questions posées par COVID19, ont permis aux quidams qui le souhaitaient, d’accroître leur niveau de connaissances généralistes. Les béotiens ont découvert beaucoup de choses sur l’existence des virus. Minuscules organismes vivants « microb-scopiques » (parfois 10 000 fois plus petits qu’un grain de sable) qu’on a pu visualiser seulement grâce à l’invention du microscope électronique dans les années 1930 / 1940.
Notre organisme est composé de bactéries qui font pour la plupart un travail utile à la vie, mais il en existe d’autres pathogènes à l’origine de maladies infectieuses : la peste, la tuberculose (qui tue environ 2 millions de personnes chaque année – les 300 000 du COVID19 en sont loin) ou le choléra, la syphilis, etc. Les virus sont des sortes de parasites qui se greffent sur les cellules qu’ils squattent en les forçant à « travailler » pour eux… La grippe, le rhume, la varicelle, la mononucléose, le SIDA, la variole, les virus vont et viennent depuis la nuit des temps. Les virus sont relativement fragiles et ils restent seulement là où ils peuvent se développer. Mais comme l’ont supputé de nombreux scénarios de fiction (« Contagion » de Steven Soderbergh 2011, « World War Z » avec Brad Pitt 2013, « Pandémie » film coréen de Sung-Soo Kim 2014) l’hypothèse d’une pandémie n’est pas impossible. C’est à cela qu’on a cru cette fois-ci, pourtant, n’en déplaise aux collapsologues, force est d’admettre que la fin du monde n’est pas pour cette fois. Avant que de nouvelles révoltes grondent parmi ceux qui se sentent tellement bien en forme et vivants à l’encontre de ceux qui se voient déjà morts, il est donc logique de relâcher la pression pour redonner aux gens l’impression de Liberté dans une « société de contrôle » comme titrait le magazine « philosophie » du mois d’Octobre 2019.
Après des mois de conflits sociaux, gilets jaunes et hôpitaux, après deux mois et demi d’une France asreinte à remplir des sauf-conduit pour aller se ravitailler ou promener son chien, à la fin de son discours, le premier ministre attendait-il qu’on le remercie ? Son intervention me rappelait une certaine blague juive: Dans son shtetl de Pologne, Shlomo est très pauvre. Il n’en peut plus, il ne sait plus quoi faire pour nourrir sa famille. Il va voir le rabbin pour lui demander conseil. Avec assurance, celui-ci suggère de prendre une chèvre et de revenir le voir un mois plus tard. Bien qu’un peu perplexe, Shlomo s’endette, il acquiert la chèvre qu’il installe dans leur petite maison et… C’est épouvantable: la chèvre mange le peu qu’il lui restait, elle fait ses besoins partout, elle détruit les meubles, les enfants pleurent, sa femme veut partir, il est à deux doigts de se pendre. Au bout d’un mois, n’y tenant plus Shlomo retourne voir le rabbin. « Rabbi, dit-il, je ne comprends pas, j’ai fait ce que tu m’as dit, mais la chèvre… ça ne marche pas ! J’étais au 36ème dessous, et maintenant c’est encore pire… » Alors le rabbin le regarde, il réfléchit, se prend la barbe à pleine main et avec la même autorité, finalement il dit: » Bon, eh bien maintenant débarrasse toi de la chèvre…
Tu verras, tout de suite ça ira mieux ! »
CharlElie COUTURE
29 MAI 20XX