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Confesse Book

389 – Vive les matches de foot « clandestins »

Le weekend dernier un match impromptu opposant deux équipes des cités s’est organisé en douce dans la banlieue de Strasbourg. Surréaliste de penser que le foot puisse être « rebelle », mais les obéissants se scandalisent en voyant les images publiées sur les médias sociaux. T’imagines, quatre cents personnes qui profitent d’un dimanche après midi pour se dégourdir les jambes. Tous les chiffres démontrent l’affalement de la courbe de l’épidémie, de même ces jeunes gens ne figurent pas dans les pourcentages de population à risque. Ils ont bien raison de redonner vie à la vie. Mais quand les emmerdeurs ont décidé de faire chier, on n’y peut pas grand chose. Même si celle-ci est absurde, ils ont la loi pour eux. Ils ont la loi. Ils font la loi.
Deux mois et demi que je n’ai pas quitté mon coin de campagne. Doucement la vie recommence. J’essaie d’être positif et me dire que le confinement a peut–être fait naître une autre « conscience ».
Plusieurs rendez-vous à Paris aujourd’hui. Je prends un train à la gare de Nancy. J’ai sagement le masque dans la poche. Je pense l’enfiler en montant dans le train puisque c’est obligatoire. Toutes les personnes croisées dans la gare sont masquées. Ça me fait doucement sourire. Soudain coup de sifflet. Je sursaute. « Mettez le masque ! » Je montre que je l’ai. Lui-même derrière le sien et son gilet pare-balle me répète avec fermeté : – Mettez-le tout de suite ! » On sent qu’il savoure son pouvoir. Je mets le masque et me dirige vers l’employé de la SNCF qui me demande mon application. Je lui montre. Sans même la regarder il m’ordonne de reculer d’un mètre et de tendre le bras pour lui montrer. Je lui fais : – « Oui bon… oh, ça va. On va pas se la jouer » Et je repars. Le flic me rappelle : – Revenez ici ! Je fais comme si je ne l’avais pas entendu. – Je vous ai dit de revenir, répète t-il plus fort. Je continue vers le wagon. Insupporté que je n’ai pas rebroussé chemin, il vient vers moi, me prend le bras et me barre la route en disant qu’il va me verbaliser.
– Comment ça ?
– D’abord n’avez pas mis votre masque correctement, mettez-le sur le nez.
J’obtempère.
– D’autre part vous avez fait un doigt d’honneur.
– Non, j’ai fait ça. » et Je refais le geste vague que j’ai fait. « Ah ! dit-il vous le refaites… Injure à un agent de la force publique ! Ou bien vous vous excusez ou bien je vous verbalise.
– Je n’ai pas fait de doigt d’honneur.
Il me dit que si je ne reconnais pas l’infraction et si je ne m’excuse pas sur le champ, il prendra les mesures nécessaires pour me faire admettre mes torts. On sent qu’il ne rigole pas. S’il peut m’humilier il le fera.
Il me ramène devant l’agent de la SNCF.
– Pourquoi vous faites ça ? me demande celui-ci ?
– Je fais quoi ?
– Un doigt d’honneur …
– De quoi parlez vous oui, j’ai mon honneur, disons un doigt d’honneur.
– Ne jouez pas sur les mots !
– C’est mon métier. Vous contrôlez, moi je joue sur les mots !
Il est un peu interloqué. Le flic intervient : Ou bien vous vous excusez ou bien… je peux vous interdire de prendre ce train !
– Bon écoutez, vous ne savez pas qui je suis mais j’ai eu cette maladie. J’en ai guéri. Je ne suis pas dangereux et je ne crains personne. Maintenant je reconnais que vous ne pouvez pas le savoir. Vous ne pouvez pas tout savoir.
– Monsieur il y a des consignes de sécurité et des gestes barrière à faire respecter.
– Comme tout le reste… et je ne me prive pas pour dire et pour écrire que ce masque est une infernale ineptie !
Le grand employé se penche vers moi en disant :
– Ce n’est pas à vous d’en juger…
Je réponds que je suis suffisamment lucide pour analyser la situation. Je dispose des mêmes informations que tout le monde. Maintenant si son point de vue n’est pas le même que le mien, je n’y peux rien. Je ne lui demande pas de penser comme moi, mais je ne vois pas pourquoi je devrais me soumettre à penser comme lui…
Le flic semble très remonté contre le discutailleur que je suis. Il me demande « pour la dernière fois » de m’excuser sinon, il m’embarque et il me verbalise au poste. Je rétorque un genre de : Vous ne pensez pas que vous avez mieux à faire que d’emmerder les citoyens immunisés. Vous ne risquez rien et j’avoue qu’à mon tour, je vous trouve vous très inquiétant avec votre masque noir…
– Ça suffit ! Il prend son talkie et comme à parler, je l’entends dire : -Individu récalcitrant… »
Je sens que ça mal tourner. Pour une pacotille, un masque pas assez remonté, je risque de grosses embrouilles. Si je suis là dans cette gare c’est bien parce que j’ai des choses à faire. Je m’adresse au grand contrôleur en gilet rouge:
– Si vous avez interprété mon geste comme quelque chose qui vous a offensé, je m’en excuse, voilà. Ce n’est pas à vous que j’en ai personnellement, mais vous ne m’enlèverez pas de l’esprit que tout ce système est pourri.
D’autres gens attendent, mon attitude les indispose.
Je montre à nouveau mon smartphone.
Il m’indique le wagon.
– C’est bon allez-y et mettez mieux votre masque !
Je monte dans le wagon. Le flic énervé est revenu, il me cherche des yeux. Quand il me repère dans le wagon à la fenêtre, il se plante sur le quai jusqu’à ce que le train se mette en marche. Quand les portes se ferment, il pointe l’index en ma direction et repart emmerder une autre personne….

C’est une autre forme de chaos qui naît quand il n’y a plus d’autorité face à l’autorité. La situation actuelle n’a fait qu’accroître les disparités et dans tous les pays les dictateurs déjà en place en ont profité pour accentuer encore leur emprise sur les populations…

Vive les matches de foot « clandestins » !

CharlElie COUTURE