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Confesse Book

387 – On me demande si je pense que le monde changera demain ?

N’en déplaise aux inquiets innés et à ceux qui ont déclenché l’avalanche de mesures administratives terriblement contraignantes aux seules fins de se protéger eux-mêmes par anticipation contre toute forme de recours juridiques, leurs émissaires en communication auront beau monter en épingle les cas sporadiques, on sait désormais qu’il n’y a pas eu (et il n’y aura pas) de « deuxième vague ». On peut donc raisonnablement penser que heureusement cette épidémie n’est plus. Cependant, quand on fera les comptes, on s’apercevra de toutes les aberrations commises. Alors pour retarder le réveil des consciences et « noyer le poison », les épiphénomènes et les exceptions sont encore amplifiés : « Attention, il est toujours là ! » « Un animal aurait transmis la CHOSE depuis un abattoir » « De nouveaux décès suspects dans un EHPAD » ou «Un enfant (un vilain « porteur sain ») a toussé à Roubaix » alors par principe de précaution toutes les écoles sont à nouveau fermées. On parle d’interdire le baiser à l’écran, les mairies des plus petits villages doivent construire là (comme partout) des séparations en plexiglass… Tandis qu’en toute incohérence les ministres vont se promener sur les plages en répétant : « On s’occupe de tout pour vous »… Encarts télé pour en parler encore et maintenir l’état d’alerte. On écrase les mêmes grains dans le même pressoir et le même jus acide comme une mauvaise piquette nous envahit toujours jusqu’à l’ivresse.
Les trentenaires ont compris qu’ils ne risquaient rien et que la « quarantaine » ne les concernait plus. Ils recommencent à vivre et se retrouvent pour parler de l’été en buvant au bord de l’eau.
Eux oui, mais les autres ? Les saints innocents les regardent hébétés. Quand ils se croisent, ceux-là s’écartent. Ils prennent leurs distances avec l’existence. Dans la rue, à la poste ou dans les magasins, ils se regardent en chiens de faïence et se saluent manchots (coude à coude). Que craignent-ils ? Ils ne savent pas. Sans dépistage, après deux mois le virus Corona est devenu avant tout un concept pourri qui hante les esprits. Il est Satan, un antéchrist, un diable. Il incarne le mal invisible.
Alors comment « javelliser » la crainte, comme dirait l’autre crétin peroxydé qui suggère à l’Amérique de boire du détergent et prône ensuite la consommation massive de Chloroquine…
Monde de fous !
Ce virus a fait resurgir les vieilles rancœurs, les amertumes, les jalousies, les frustrations…
Les uns le traitent comme s’il agissait d’une damnation, d’autres imaginent qu’il est une punition(divine?) ou même une « vengeance de la Nature…» C’est le méchant dans James Bond. On parle de lui, on le commente comme s’il s’agissait d’une personne, un être vivant. « C’est la Terre qui nous parle, il faut savoir l’entendre… » Comme si ce virus avait une intention, comme s’il voulait nous « dire quelque chose ». Diantre ! Il ne s’agit que d’une poussière, vivante et nocive certes, mais qui n’a jamais décidé de quoi que ce soit. Ce qui n’est pas le cas de « Ceux-Qui-Nous-Protègent » qui ont pris eux, des décisions saugrenues pour le moins improvisées. Leur « dévouement charitable » mâtiné d’un peu de pitié, ressemblant bien à ce qu’on nomme « le mépris ». Les vieux, les jeunes. La sélection naturelle… Pouark ! Si les dispositifs barrières ont eu un réel impact, ils ont surtout édifié des murs entre les générations. Ne plus se serrer la main, ni se prendre dans les bras, interdire les visites aux parents isolés, ou empêcher le partage des émotions, créer la rupture, se détacher des autres, vivre «sans contact », les voilà les vraies barrières. Qu’on oblige les enfants à se laver les mains 10 X par jour à l’alcool dans les écoles, ça ne choque personne ? Et suggérer de jouer en simple plutôt qu’en double, sans ramasser la balle de l’adversaire tout en évitant de monter au filet… Oh mon dieu !

À ce propos, j’ai repris du peps et rempli de bonnes intentions, j’ai porté deux raquettes dans « une grande enseigne d’articles de sport » où l’on se doit d’être masqué pour entrer. Le vendeur est affairé sur sa cordeuse. Je lui tends le papier de dépôt que m’a fait remplir la fille quand je suis venu déposer deux raquettes trois jours plus tôt. Mais y a un Hic : si la première raquette est nickel, en revanche le tamis de la seconde est voilé/déformé et le cordage n’est pas celui que j’avais déposé. J’essaie de discuter avec le masque, mais le gars est fuyant, il détourne les yeux, et avec le masque, c’est très difficile d’entrer en contact. Il murmure qu’il ne sait pas. Je ne comprends pas ce qu’il dit. Il répète qu’il n’est pas au courant, que c’est la faute de la raquette… Je comprends à peine ce qu’il articule sous son masque. Il se dirige vers un autre client et me laisse en plan. J’insiste.
– Écoutez, revenez quand le cordeur sera là… finit-il par me dire sans autre explication, bien planqué derrière son masque. J’appelle le gérant du magasin, sa secrétaire me met une demi-heure en attente avant que ça ne raccroche. Ça a pris trois autres jours pour trouver enfin un compromis… Et on parle d’efficacité en télétravail ?!
On me demande si je pense que le monde changera demain ?
Je ne sais pas. Justement, généraliser le télétravail des professions de services aura surement pour effet d’augmenter la distance entre les salariés. Mais soyons honnête, si rester chez soi permet d’éviter de voir la gueule de certains, et si ça évite aussi les réunions inutiles. Moins de temps perdu en comédie d’apparence, en trajets de déplacement, moins de commérages à la machine à café et des heures de temps libre en plus ! Plus efficace, plus rentable, peut-être ? D’autre part, vu que les « rencontres sur le lieu de travail » ont été remplacées par Meetic et Tinder, trouver l’amour sur Internet, c’est plus cool que de subir les assauts d’un supérieur hiérarchique.
De façon plus générale, quand il y a dix ans, pour la chanson « Les Ours Blancs », j’écrivais « l’écologie, à l’école il faut l’enseigner, c’est logique », j’espérerais quelque chose comme ce qui se passe a aujourd’hui : plutôt qu’un idéal d’expansion ultra libérale, entendre régulièrement énoncer les questions liées à l’environnement, ainsi que les solutions de remplacements propres et durables, c’est déjà ça ! Est-ce que les effets seront immédiats ? J’en doute.

Aujourd’hui 60 000 entreprises sont menacées de faillite, ça c’est une réalité! Et les conséquence seront dramatiques pour des centaines de milliers de personnes (et des millions à l’échelle planétaire). Ça c’est indiscutable! Pour eux, en ces périodes de récession et de survie, la nécessité de répondre aux difficultés du court-terme sera la seule option …
Pourtant, vaille que vaille chacun maugrée ou encaisse les coups. Hypocrisie ou devoir civique, les citoyens masquent sous le masque, en attendant le 2 Juin,
Tout en sachant que pour nous, «gens de la culture» c’est pas demain la veille qu’on pourra retrouver une vie « normale » …
Euh, que dis-je, notre vie a-normale !

CharlElie COUTURE
20 Mai.