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Confesse Book

374 – D’abord un mauvais rêve

Quatre heures du matin. D’abord un mauvais rêve, je me réveille en sueur. Insomnie ensuite. Je connais ces longues nuits… Une fois les paupières ouvertes, impossible de les refermer. Ici, pas un bruit, juste un peu de vent dehors, vent froid, vent du Nord et la maison qui craque. Des idées confuses tournent dans mon cerveau comme de sombres mantras. Je regarde le plafond, je n’y vois rien. Un insecte volant me distrait un instant. Je pense à l’infinie sophistication de son mécanisme biologique éphémère. Chaurées, accès de fièvre, gorge irritée et maux de tête, c’est inconfortable certes mais au fond, rien de trop anormal au point que la planète s’arrête. Je veux croire que mon corps qui s’ennuie, trouve à s’occuper comme il peut.

Dans quelques… semaines nous auront peut être compris le terrible sort réservé aux poulets de batterie, mais ceux qui auront survécu seront velus, barbus, hirsutes. Si on dit que s’ennuyer c’est aussi « se raser », j’avoue que pour ma part j’ai un peu perdu le rythme de la tonsure quotidienne, et mes cheveux repoussent plus blancs que jamais.

Faire un peu de musique. Écrire aussi un peu. Dessiner un peu. Lire un peu. De tout, un peu, j’occupe mon temps comme je peux. Mais j’ai du mal à me motiver et à rester concentré, d’autant que je n’ai plus la contrainte des échéances. Image gelée. Tout est en stand by.

Arrêter la machine de 7,6 milliards de personnes, c’est une chose, mais comment la remettra t-on en marche ? Comment ceux qui se seront habitués à cette vie recluse, accepteront-ils de retourner au labeur ? Se remettre le harnais et supporter à nouveau la charge qui leur incombe. Et que se passera t-il au moment des « vacances », quand les employés confinés qui doivent trois heures de télétravail, se plaignent de devoir trop en faire ?

Les mauvaises habitudes reprennent le dessus comme la mousse envahit les pierres, les bonnes habitudes se perdent vite. Ceux qui pratiquaient jadis la gymnastique suédoise, les abonnés aux clubs de crossfit, les forçats de l’exercice, les dieux musclés qui s’astreignent au culte de la culture physique, auront eux aussi du mal à ne pas voir leur poids augmenter sur la balance.

Profiter du confinement pour retrouver une vie saine, monacale, méditer, lire et boire de l’eau en mangeant des légumes ? Ce sera peut-être vrai pour quelques-uns, mais je crains que nombreux seront ceux d’entre nous qui compenseront leur frustration en bouffant des chips, des pâtes ou des « bombeks » une bière à la main. Se souler pour s’évader à défaut de ne pouvoir aller visiter une maîtresse, rassurer un parent triste ou noyer son remord de n’avoir été autorisé à aller enterrer dignement l’un des siens. Alors boire oui, de l’orge ou du seigle malté, des cocktails sophistiqués ou des sodas au cola dans l’abîme d’un sofa, sans autre objectif que celui de cuver le lendemain matin.

Soyons honnêtes, nous ne pouvons pas tous avoir la force de caractère et la résistance de ce type qui a couru un marathon sur son balcon, 6000 allers et retours en version hamster en cage. Et quand bien même, l’a t-il fait une fois, le refera t-il le lendemain ? Je veux bien croire que d’autres vont battre des records indoor sur des tapis d’appartement, d’autres encore inventeront des exercices rigolos en utilisant les objets de la maison dans le but de faire des vues sur Internet, (filmés par Shaan, nous avons enregistré, Yamée et moi, la chanson « Presque rien » qui figurera sur le prochain LP« Trésors cachés et perles rares).

Mais ne nous leurrons pas, la majorité des bipèdes va s’asseoir devant la télé et compenser son mal-être en se gavant de sucres et en buvant pour oublier (pour la beuh, tu peux oublier, frère…)

Et si finalement les mesures de confinement s’interrompent comme on peut logiquement le penser à la mi-Avril, vu le manque à gagner et les pertes subies, comment les entreprises vont-elles faire pour réamorcer la pompe ? Et qu’en sera t-il des vacances estivales pendant les mois caniculaires ? Pourront-elles fermer leurs portes à peine après les avoir rouvertes ? Et ceux qui auront grillé leurs réserves pour tenir un mois sans argent, où/comment choisiront-ils d’aller ailleurs?

Dire que le fait de « rester chez soi » était une douce utopie pour beaucoup de travailleurs qui aspiraient juste à un peu de paix, désormais pour beaucoup cette quarantaine va finir par ressembler à un cauchemar… comme celui qui me tient éveillé.

CharlElie

(à suivre)