Faire la guerre, chez soi. Or donc nous y sommes, confinés en famille. Certains vont dire « enfin ». Le rêve pour les geeks et les accros aux jeux vidéo. Tant mieux pour ceux qui s’aiment et qui vont renouer des liens, tant mieux pour ceux qui vont en profiter pour lire, écrire, finir des choses inachevées ou ranger leur trop-plein d’objets accumulés. Tant mieux pour les joyeux positifs qui sourient aux anges et se réjouissent de n’avoir plus d’obligations laborieuses, ceux qui se disent gaiement que ça y est la pollution a diminué et que ce sera mieux demain. Oui bien sûr tout ça est merveilleux, mais le monde « Bisounours » reste une fable pour enfants…
Gare aux terribles conséquences de la mise en cage d’êtres abruptes, agrestes ou indomptés qui ont besoin d’espace pour absorber leur excès d’énergie,
gare au délire et cauchemar des claustrophobes,
gare à ceux qui vont péter les plombs à force de se regarder en chien de faïence, entre divorcés, entre alcooliques et pédophiles,
gare aux conflits entre générations, aux explosions de colère, et ceux qui vont se haïr à cause de la promiscuité dans leurs F1, F2 en cités dortoirs sans même l’échappatoire de dire : « Vas jouer au foot avec tes potes ! »
Quelques bonnes paroles généreuses de solidarité « Faut qu’on … » et « Y a qu’à… » ne suffiront pas à changer les pulsions primitives qui sont en nous. Il faudra plus que de simples discours si graves et pensés qu’ils soient pour apaiser l’impatience et l’angoisse des gens désespérés.
Je n’ose pas penser à la violence que cette mise sous contrainte va engendrer.
Comment vont faire ceux qui, déjà en temps normal, sont dans une situation dramatique? Je pense à ceux qui vont se mutiler ou se suicider, je pense aux drogués qui vont devenir fous, eux qui ne sauront plus où se fournir, et ceux qui vont commettre des crimes et règlements de compte en toute impunité à huis clos, comptant sur le fait qu’il se passera des jours avant qu’on s’en aperçoive, sans parler de ceux qui s’organiseront pour dévaliser les plus faibles…
Depuis 5 ans, avec un ratio stable de 9 pour 1000 environ, il y avait en France 610 000 décès par année, autrement dit 1700 (et quelques) par jour. Qu’en sera t-il demain ? Combien de morts seront dus au COVID19… mais aussi combien seront la conséquence directe ou indirecte du confinement ?
Comme un ultime repli sur soi, une hyper nationalisation nationaliste, dire que certains ne demandaient que ça est un euphémisme. Alors j’entends les louanges des apeurés, ceux qui ont été sensibilisés jusqu’aux tréfonds de leur émotion par les mises en garde et conseils de prudence, enfin ils se voient sécurisés.
Comme prédit dans les ouvrages de science-fiction, essorage, rinçage et lavage de cerveau à grande échelle dans un tsunami d’informations impossibles à vérifier, nous sommes entrés dans l’ère du Pouvoir-Central-à-Distance. Big Brother, mon frère, celui de l’Ordre sous tutelle, la contrainte. La soumission assumée comme un principe de survie. Et interdiction de remettre le principe en question au risque de passer pour un salaud incivil, fustigé dans la minute qui suit, lapidé au pilori de la vindicte Internet.
Nous voilà cloîtrés comme des moines en cellule, priant je ne sais quelle puissance supérieure de nous venir en aide. Si les hôpitaux n’étaient pas saturés, j’entendrais aussi les obsédés « conspirationistes » soumettre l’hypothèse du coup d’état précédé par une communication sans faille, mais il s’agit d’une pandémie et le gouvernement n’avait juste pas le choix. La pression publique était trop forte, il se devait de prendre des mesures drastiques ne serait-ce que pour rassurer.
C’est pourtant une étrange sensation que celle d’assister impuissant à un cataclysme.
Il y avait eu « 2001 », il y a maintenant, il y aura l’ « après 2020 », sans qu’on sache quand, car il n’y a pas vraiment d’échéance. Cette incarcération confinée vient à peine de commencer, elle est pour une durée indéterminée. On parle de semaines, de mois, et mois et mois en émoi.
Fini les « je-moi-je ». Tous dans le même bain. Debout dans la boue de nos appréhensions confuses, assis ou couché sur un sofa devant la télé, tous en guerre au coude à coude, oui en guerre ceints contre le pire ennemi, cet ennemi invisible, insaisissable comme le Mal, cet ennemi qui peut être partout, puisqu’il est nulle part. Quand même les porteurs sains sont potentiellement dangereux, ton meilleur ami est une menace. Alors comment se défaire de cette angoisse ?
Qui dit « obéissance » dit « désobéissance », on peut imaginer d’ici peu aussi le retour des dissipés, dissidents qui voudront se rincer le gosier en rigolant dans des « Speakeasy » comme ceux du temps de la Prohibition. Facile d’imaginer qu’apparaîtront des « mafias du plaisir», des commandos de serrage de mains et de bise dans le cou, et beaucoup continueront de préférer en rire plutôt que d’en pleurer.
Rentrer en léthargie, est une chose ; mais comment et quand sortira t-on (laveur) de cette crise au départ sanitaire mais qui, tel un château de cartes, entraîne dans son avalanche l’effondrement mondial d’un système économique confondu à la Démocratie…
CharlElie COUTURE
17 Mars 2020
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