France2 a diffusé hier soir l’épisode « Hantise » de la série « Astrid et Raphaëlle » pour laquelle on m’avait demandé d’interpréter le rôle d’un prêtre exorciste. On m’a rarement proposé de « faire l’acteur », et j’ai un peu hésité, suggérant mon frère Tom en premier lieu. Pourtant ils ont a insisté et reçu j’ai le script. J’ai lu les trois pages de répliques, c’était jouable, et ne risquait pas d’accaparer trop de mon temps.
Se montrer dans l’espoir d’être choisi dans le cadre d’un casting peut être une ressenti comme une épreuve. L’acteur fait une proposition, mais la décision finale revient à la production, qui ne s’appuie pas uniquement sur des critères « artistiques ». Depuis qu’elle a choisi de devenir comédienne, j’ai vu revenir ma fille Yamée parfois très affectée / meurtrie après certains castings. Pour ce qui me concerne, je me croyais choisi d’office, et pourtant on m’a demandé de passer devant une caméra « comme une simple formalité ». J’ai donc appris mon rôle, et je suis allé rencontrer le « casteur » qui construisait sa maison avec des branchages en travers de la rivière. Bref, c’était d’autant plus cool que les enjeux étaient limités.
Dans un endroit encombré comme un bazar, pile de papiers et scénarii, je discute avec un gars sympathique. Café. Tout se passe bien, et puis il dit : « On va y aller » comme un infirmier qui vient vous chercher pour la salle d’op’. Il allume la caméra, et là soudain : Blank ! Plop ! Le vide, dans ma tête plus rien. Ma mémoire a sauté. Mon disque dur est vide. Je ne sais même plus pourquoi je suis là. Par où commencer ? Il me tend un script. J’ai l’impression de le lire pour la première fois. Son assistant me donne la réplique de façon neutre. Impossible pour moi de me situer dans le contexte. Quand j’apprends une chanson, la mémoire du texte s’organise en interaction autour de la musique. Mon arme à la main (c’est à dire mon instrument), je me sens protégé, mais dans ce cas précis je suis démuni, seul, nu. La caméra tourne. Je relis le texte, une fois, deux et trois fois, et enfin seulement j’émerge. À la quatrième prise, j’ai retrouvé ma logique. Le gars me dit que ça va, il a ce qu’il faut. Je quitte la pièce et dans le couloir, peu fier de ma prestation je me persuade qu’ils trouveront ailleurs quelqu’un de plus pro.
Là-dessus, je reçois un appel de mon frère Tom. On parle de choses et d’autres et je confesse (normal pour un prêtre) que j’ai accepté de passer un audition pour un rôle. Sans plus dans les détails. « Et toi comment va ? » Il me dit son regret de ne pas avoir été choisi pour incarner De Gaulle.
– Ah mince, je me mets à ta place, Tom Novembre/ De Gaulle, je suis certain que t’aurais été excellent.
Et puis il évoque un petit job qu’on lui a aussi proposé, juste trois pages pour lesquelles ça le contraignait d’aller faire le casting.
– C’est quoi ce rôle ?
– Un prêtre exorciste…
– Non… Comment il s’appelle…
– Bouilloux ou un nom comme ça… Une apparition dans une série sur FRANCE2.
Je lui dis alors que c’est celui qu’on m’a proposé mais j’ajoute : « Oh putain, j’espère que je ne t’ai pas pris le job…. Tu sais, je ne crois pas avoir été très brillant, et si ça se trouve ils vont revenir vers toi… »
On s’est amusés du fait qu’on était l’un et l’autre considérés comme des exorcistes potentiels.
Le mois de Juillet a passé et le mois d’Août pareil, sans nouvelle. Je l’avais presque oublié, pensant que c’était comme le gruyère, à cause de mes trous c’était râpé, et puis à la fin des vacances j’ai reçu un mail qui me confirmait dans le rôle.
À l’approche de la date, je me suis remis sur le texte, dans l’expectative, sachant combien je m’étais pris les pieds dans le tapis au moment du cast. Je le relisais à haute voix quand ma fille Yamée est montée. : – Qu’est ce que tu fais ?
– Je bosse mon texte…
– Vas-y fais le moi. »
Un peu intimidé de jouer devant elle, elle m’a invité à me lever et elle m’ a fait travailler ma partie dans le détail. Répéter phrase par phrase, choisir le rythme de mon débit, mes respirations. Son expérience d’actrice rendait les mots plus justes. Après ses mises en garde qui m’obligeaient à plus de rigueur j’ai pu ensuite me remémorer le texte de ce dialogue comme j’apprends une chanson.
Quand le jour du tournage est arrivé, je savais où j’allais. Une fois passées les premières émotions dues au contexte (caméra, lumières, décors, mouvements des techniciens) les deux réalisateurs estimaient avoir « dans la boîte » ce qu’ils attendaient de moi.
Je n’ai pas eu à refaire la post-synchro et je n’ai plus entendu parler du père Bouilloux, jusqu’ à ce que j’allume la télé par hasard, hier soir, et sur qui je tombe ?
Peut-être que ça donnera des idées à d’autres productions? En attendant et à propos d’exorcisme, ce serait bien de trouver le moyen de chasser les démons qui hantent les esprits et les discours enfiévrés des malades qui ont méchamment tendance à nous faire croire qu’on a tous été ensorcelés par le dix-neuvième Corona sorti des cojones del Diablo.
CharlElie Couture.