Après ce claquage de fibre musculaire bas de jambe droite, je suis allé me faire kryogénéisé dans un bain d’azote liquide. Ça m’a permis de tenir debout, pourtant pour avoir par ailleurs absorbé je ne sais quelle nourriture infâme, je suis arrivé dans un état de ruine en l’ancienne capitale de la Rome Antique en pays des Gaules… à savoir qu’à Vienne que pourra. Mes équipes un peu inquiètes, néanmoins, une incantation décantée sur fond d’Alka Seltzer en guise de potion magique prodiguée par une druide aux cheveux blond, et hop, comme par magie, le poison en moi s’est volatilisé. Je suis monté sur scène du Théâtre, comme Cid-Erienettait. Et oh magie du spectacle, presque instantanément mon corps a repris le dessus et personne n’a rien su de mes inconforts personnels.
Concert d’enfer, précis, une salle qui finit debout. Dédicaces. Contact chaleureux avec un public connu pour ne pas être « facile ». Et pourtant on s’est régalé…
La nuit passant là-dessus, je suis reparti aussi neuf qu’une bagnole d’occasion, qui a survécu au contrôle technique, et qui peux jouer à rouler, comme on rock & roule. Ainsi au matin, laissant les autres se reposer, j’ai appelé icelui qui m’avait suggéré d’aller visiter les caves Guigal à 20 minutes de là. Tu parles que j’avais dit oui. Non seulement j’avoue une certaine attirance pour les syrahs de la vallée du Rhône, mais il se trouve que les nommés Guigal m’avaient fait rêver en Mille Neuf Cent quelque chose, quand en Suisse, au lendemain d’un concert à Genève, humant un certain verre de l’une de leur côte-rôtie (Château la Mouline ou la Turque), ma gorge s’était nouée et j’avais même versé une larme d’émotion. C’est dire le niveau ! Et par ailleurs, plus souvent quand à New York on cherchait à offrir une bouteille valeur sûre on en choisissait souvent l’une de chez eux.
Alors bien sûr que ça me plaisait d’aller dire de vive voix à ces viticulteurs, le plaisir qu’ils m’avaient donné.
Passant devant le musée, voyant la sécurité je dis en blaguant que je n’aurai pas à passer « à la fouille » – ce qui est un comble pour un musée qui s’est enrichi d’objets de … – J’apprends que que Ponce Pilate est venu gouverner l’endroit après son échec à mater la révolte en Palestine etc. N’empêche une belle bande « d’amphorés » ces Romains qui, fins buveurs, avaient implanté la vigne héritée des Grecs.
On a garé la voiture et j’ai salué les propriétaires à qui j’ai pu dire ce que je viens d’écrire à propos de leur vin. C’est aussi agréable de se soulager la conscience des bonnes choses que de dénoncer les pensées noires qui vous hantent. Là en l’occurrence, il s’agissait de pensées… Rouges.
J’ai visité ensuite les caves ancestrales compagnie d’un œnologue qui m’a expliqué le détail du comment et du pourquoi en me donnant plein de chiffres en millions de bouteilles, ou centaines de milliers, ou juste milliers…
Une fois n’est pas coutume, nous avons achevé la visite par une dégustation d’une dizaine de bouteilles. -Enfin, on ne parle pas d’avaler l’intégralité des dites bouteilles, pour goûter, qui plus est le matin, une gorgée suffit. Tout le monde sait ça… encore que… Bon, passons. D’abord, les premiers fûts de blancs et Condrieu, plutôt légères, puis ça s’est corsé avec les Châteauneuf du Pape, poivre et caramel, et puis sont venues les Côtes rôties. Et l là… Dingue, à nouveau l’émotion. Un truc très fort. Un grand vin est une œuvre d’art : il est en vous, et il se révèle quand vous êtes face à lui. Bien sûr on peut avoir envie de partager son plaisir, mais certains tableaux de maître bien qu’inaccessibles n’en sont pas moins puissants. C’est une histoire d’ondes. De « synchronicité », peut-être. Plus de vingt ans plus tard, à nouveau l’une de ces bouteilles m’a rendu euphorique. Bien sûr que le raisin peut faire perdre à la raison ! Mais surtout je me suis rappelé de ce que Karim me disait la semaine dernière après des sessions de travail d’enregistrement en studio quand on travaillait sur ce qu’on prépare pour le mois d’Avril…. Lui qui ne boit pas un goutte, parlait de cette ivresse qui s’empare de nous quand on a le sentiment d’être arrivé au terme de quelque chose d’important ! « Il en faut des heures, et des centaines de décisions et de recommencent pour arriver, enfin, à atteindre à ce culminum qu’on appelle l’extase qui ne dure parfois que quelques instants ».
C’est vrai en musique, c’est vrai dans l’Art mais c’est aussi vrai dans tous les secteurs d’activités. Quand on se lance des défis difficiles, plus la barre est haute, plus il faut prendre de l’élan. Mais personne ne regarde l’élan. On ne considère que le résultat, mais celui-ci n’est autre que la conséquence d’une longue pratique en amont….
Bon voilà ce que je voulais raconter à propos de ce divin vin. C’est vrai que le vin délie les langues,
La preuve….
CharlElie.
14 Déc. 2019