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Confesse Book

348 – Anecdote à vingt centimes.

Anecdote à vingt centimes.
RELAY Gare de Nancy. J’achète deux quotidiens à lire dans le train. Je reprends la monnaie que la fille pressée derrière son comptoir a jetée dans la coupelle. Une pièce a giclé, puis est tombée juste à côté, dans la fente par où passent les câbles des machines. Surpris, je reste interdit. La fille me regarde, intriguée par mon air baba; S’est-elle seulement rendue compte de ce qui s’est passé ? Je recompte ce qui me reste dans la main, et je dis :
« 20 centimes ».
Aussitôt, froidement, elle rétorque: « Oui et alors ? »
Ben quoi… rien, je sais que c’est seulement vingt centimes, Comme elle semble ne pas réagir, je bredouille avec un petit sourire gêné :
-Ma pièce… 20 cents, elle est tombée…, persuadé qu’elle va immédiatement m’en rendre une autre, auquel cas je m’apprête, grand seigneur à dire : « Non, non, laissez, j’en suis pas à 20 balles », mais au lieu de ça, non, elle feint de m’ignorer, tourne la tête, et s’adresse à un autre client en faisant semblant de ne pas entendre ce que j’ai dit.
Non mais quoi… c’est pas les 20 centimes, c’est le principe ! Eh, Jo, la moindre des choses, serait de faire : « oups, « pardon » « mille excuses, je suis maladroite… » n’importe quoi pour calmer le jeu,… Mais au lieu de ça elle en remet une couche
« Et alors ? C’est moi qui l’ai fait tombé me dit-elle avec arrogance…
Abasourdi, interloqué, je réponds : En tout cas c’est pas moi que je sache… Vous voulez regarder l’arbitrage de la vidéo de surveillance pour savoir qui a raison et qui a tord ? Allez redonnez moi la pièce et c’est réglé…
Elle n’a pas envie de s’embarrasser, alors elle continue de m’ignorer, disant juste sans même tourner la tête :
– J’peux pas, c’est inaccessible… »
Alors ça m’énerve, c’est la meilleure. Pas même un geste pour essayer. Elle me jette comme une plume. J’imagine que ce n’est pas la première fois que ça arrive, vu que la fente de sa « tirelire » est juste à côté de la soucoupe où elle m’a jeté les pièces. Si elle ne fait pas plus d’effort pour les ramasser, il doit y avoir un trésor là-dedans.
Elle dit un truc incompréhensible de genre :
– C’est pas moi qui ai cassé votre voiture, alors voyez ça avec votre assurance.
Non mais, je suis vert. C’est pas les 20centimes, c’est qu’elle se fout de ma gueule. Alors je m’échauffe et je lui dis, dans mon langage : « Dis donc, arrête de te moquer de moi, l’argent est dans ton meuble, alors tu prends le temps qu’il faut mais tu me rends ma monnaie… »
J’avoue qu’en disant ça, je me sens un peu crétin de m’énerver pour 20cents, mais j’ai à peine fini ma phrase que, la fille en remet un couche et en jouant la Duchesse et me dit : « Attention, restez poli, je ne vous ai pas tutoyé ! »
Je n’ai jamais compris en quoi le tutoiement était vulgaire ou impoli, je dis :
– J’imagine que tu n’injuries pas tes proches, je ne vois pas en quoi le tutoiement est injurieux ? »
Elle me regarde avec des yeux de veau : « Vous ne faites pas partie de mes amis que je sache, écartez-vous » me dit-elle comme on chasse une vieille mouche.
Alors j’ajoute : « Attention si je dis que je t’emmerde, là ce sera injurieux »
Et du tac au tac, la fille répond : « Moi aussi, je vous emmerde »
– Je réponds alors là le vouvoiement n’est pas injurieux…
Les autres clients s’en mêlent, ils commentent ce dont ils ne connaissent pas l’origine, et ne sachant pas de quoi il s’agit mais prennent position en sa faveur. Elle fait une risette narquoise, genre « nananah ». Et j’ai juste le sentiment de m’être fait avoir. À la fois je sais que ça n’a aucune importance, mais aussi, je me sens vexé. Ce ne sont pas les 20 centimes, je te dis, c’est le principe.
Là dessus, le train entre en gare, et je lis le journal sur lequel sont rapportées des nouvelles autrement plus importantes. Il n’empêche que je me dis que certaines guerres, ou certaines bagarres certaines haines ou rivalités de voisinage se déclenchent à cause de comportements aussi incivils que ceux de cette fille derrière son comptoir.
Fin de l’anecdote.

CharlElie

19/11/2019