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Confesse Book

341 – Une demi-heure avant de partir

Une demi-heure avant de partir , j’ai reçu une alerte SMS provenant de « risque de perturbations sur le réseau ferroviaire ». Comme mon train pour Dijon restait annoncé, et il n’y avait pas eu de préavis de grève, j’ai voulu croire qu’il s’agissait d’un ultime « incident » technique, et je suis parti serein avec ma guitare sur le dos. Arrivé à la gare de Lyon, c’était une autre affaire. Aucun train à quai, Les haut-parleurs annonçaient qu’il n’y avait pas de RER en circulation. Vendredi de départ en vacances même en début d’après midi, ça sent le roussi. Une femme se présente à moi, me dit qu’elle fait le voyage pour venir ce soir à mon concert « s’il y a un train… ». Finalement après un petit temps d’attente, un seul train entre en gare et devine, coup de pot : c’est le nôtre.
Alors seulement je vois les autres musiciens émerger de la foule.
Le train est bondé, et c’est la galère de voyager avec nos instruments dans ces circonstances… Mais bon, on arrive à Dijon et là, blocage. Paralysie totale impossible de sortir. Trop de monde . Congestion. Jamais vu ça. C’est la guerre à la gare. Les gens s’insultent, y a même des coups. La horde de ceux qui veulent prendre l’un des trois trains qui viennent d’être annoncés pour Lyon se rue. On est écrasé par le flux. Ça laisse entrevoir ce que sera le monde quand les vraies crises vont arriver. Putain ça fait peur !!! 25 minutes immobilisé sous la gare… Un petit pas par ci, un autre par là, finalement on se retrouve dehors. Et la vie reprend. Je blague :« Depuis la mort du « taulier », tu sais que cette ville est jumelée avec celle de Nialidé…
-… ?
– Dijon/Nialidé »
On retrouve une salle dans laquelle on a joué il y a 5 ans avec la tournée « ImMortel». Salle archi pleine. Concert en émotion. Je reconnais au troisième rang la « femme de la gare ». Lors de la séance de dédicace, se présentent à moi des gens venus aux concerts LAFAYETTE de Montbard et Nuits-Saint-Georges.

Dans cet hôtel bourguignon les employés portent des polos de matelots, identité vestimentaire j’imagine d’une chaîne Atlantique. Un peu surréaliste. Au petit déjeuner le matin, je suis le seul de l’équipe. Avec les « perturbations » nos départs sont échelonnés. Les techniciens de leur côté ont assuré le coup en venant en voiture.

Pareil ce matin un monde de dingue sur le quai. Le mouvement d’humeur à la « dépose-sac » comme on nomme ces grèves surprises, va durer tout le week-end. Nouveau coup de chance mon train entre en gare…
À Paris je récupère la moto qu’on m’a prêtée, et je vais chercher mon scooter qui avait besoin d’une révision. Manque de pot il n’est pas prêt. « Excusez nous, il est sur la table coup mais on a pris du retard à l’atelier… un des mécanos s’est coupé le doigt hier ! En blaguant je dis : – Et les autres ont fait grève par solidarité ? »
J’y retourne deux heures après et je fonce à Clichy voir l’expo de Jean Marc Calvet. J’y retrouve Claude Guénart. Du coup le trio qui a exposé ensemble à Cavalaire cet été se trouve réuni quelques minutes, avant que je ne file sur les champs Elysées.
Je visite Elysée Art en compagnie de Jak Espi qui a laissé son atelier du Sud ensoleillé pour venir passer le W.E. à Paris sous la pluie.
Je croise Richard Texier, et puis un collectionneur, et puis un avocat que je vois là chaque année. Selfie par ci, serrer des mains, par là, je prends des rendez-vous, distribution de cartes. Convenir de se revoir.. Les galeristes commencent à me connaître. « C’est bon de savoir que tu es de retour en France… »
J’achète un petit crabe en terre cuite. (Tout un symbole…)
En ressortant, je me fais alpaguer par un type de la sécu repérant un paquet sortir de ma poche. Il me demande l’attestation d’achat plié dans l’une de mes nombreuses poches, Je me tate, je ne le trouve pas tout de suite. Le ton monte. Il menace d’appeler la police. « Allez-y je ne crains, rien, je suis en règle, mais ne vous inquiétez pas, si j’étais un voleur, ça se saurait… » Croyant faire une blague, ce crétin me dit : « Et comment je serais sensé vous connaître, vous êtes Mick Jagger ? » Bien que tristement perspicace cette remarque idiote, a le don de me chauffer le sang. Du coup je me barre. Il me rattrape et devient menaçant. Je monte la voix. Craignant le scandale, d’autres personnes arrivent qui lui font savoir sa bévue.
La pluie me calme. Après les canicules à répétition de cet été et l’été « plus qu’indien » qu’on vient de vivre, aujourd’hui, c’est drôle comment la pluie rassure la grenouille en moi. Plus le ciel est couvert plus cela procure une sorte d’euphorie… Non j’exagère, mais quand même. Enfin, j’dis ça, j’dis rien…

21.30, je remonte sur mon scoot’ pour la rue des Lombards où se produit Patrick Bebey, musicien d’origine camerounaise avec qui j’ai joué pendant 7 ans. Un excellent concert intime et chaleureux tout à son image. À la fin de son premier set, il m’invite à le rejoindre. Porté par sa musique, accompagné par 4 excellents musiciens, je dis au micro le texte sur le temps, que j’ai écrit pour l’occasion.

Il pleut toujours des ficelles et des cordes. Paris est aussi beau sous la pluie… Si ce n’était le potin muzak techno, doum doum rires et boucan alcoolisé que font les voisins de la cour en face jusqu’à trois heures du matin.

Epilogue/ précision
La grève des cheminots qui perdure tout le weekend touche aux restrictions économiques imposées par le gouvernement, les conducteurs de TER se retrouvant parfois seuls en charge de la responsabilité de leur train. Ces compressions de personnel ne posent pas de problème aux technocrates, jusqu’au moment où justement il y a un problème…

 

20/10/2019