Sous une pluie Normande pernicieuse, les obsèques mouillées (…) de mon cousin ont eu lieu hier à Caen. Je ne sais pas si l’on peut dire qu’ils furent « beaux », du moins doit-on convenir que l’accompagnement qui fut fait de son départ vers l’au-delà était digne, recueilli. Des amis, des parents et collègues caennais, ainsi que des gens de la famille venus de loin, dont certains que je n’avais jamais vus ou croisés depuis 40 ans. Un monde, son monde réuni dans la petite église Saint Ouen.
Cet homme n’était pas vraiment croyant, néanmoins le prêtre de l’église catholique qui officiait assuma dignement la responsabilité qui lui incombait : celle d’accueillir dans son endroit le cercueil habité par la dépouille d’un quidam vis à vis de qui il n’avait pas de connivence. Son homélie fit allusion à cette perte de la foi, après la lecture du fameux texte du « retour de l’enfant prodige », un classique du genre qui dit, entre autres : « on fera la fête à ceux qui reviennent » pourtant comparer l’ Infini-Dieu-Unique » à un Père, est une métaphore usée et de moins en moins de gens sont dupes… Pourtant quelle l’importance au fond dans ces circonstances on est prêt à tout entendre. Une telle cérémonie n’est pas faite pour les morts, elle s’adresse aux vivants, ceux qui sont là, autour du meuble en bois qui contient l’enveloppe charnelle d’une connaissance, d’un parent ou ami qui a donc cessé de fonctionner. Oui, il faut gérer le vide qui suit un décès, accepter ce nouvel équilibre causé par l’absence d’icelui. On appelle ça « faire son deuil ». Et c’est là qu’intervient le cérémonial religieux qui accompagne les vivants, les aidant à accepter cette perte et à se transmuer de l’état « avec » à celui de continuer à vivre « sans ». On a beau être sous la tutelle des systèmes matérialistes (de consommation et spéculations capitalistes), malgré tout, face à la mort, on se retrouve interrogé par la spiritualité. Confronté à soi-même, on réinitialise le disque dur, et on reprend conscience de notre existence éphémère sur cette terre.
A fortiori quand on se rapproche des « statistiques en matière de durée de vie», en regardant le cercueil posé là sur des tréteaux sous la nef, on peut imaginer aisément celui qui est à l’intérieur en se disant : « Et si c’était moi… Serai-je moi aussi entouré ? Qui me pleurera comme cette jeune fille aux yeux rouges ? Qui dira quoi ? Quelle musique ? Est–ce que l’émotion sera aussi sincère ? Ou plus ? Ou moins ? Et puis après quoi… Que sera demain ? »
Après avoir assisté au cimetière sous des parapluies à fleurs à la dépose du corps dans la fosse en béton de sa « dernière demeure » nous sommes retournés dans sa maison.
Son frère de douze ans son cadet, m’a donné quelques détails sur ce que furent ses derniers jours, mais est-ce que ça avait beaucoup d’importance ? Ce qui avait de l’importance c’était que nous soyons là, certains comme moi ayant traversé la France pour être présent ici.
Au milieu du salon, il y avait une lithographie encadrée que j’avais faite en 1983. C’est la première chose que sa femme m’a dite. Comme si j’avais toujours été près d’eux. C’est aussi à ça que sert l’Art, être proche même quand on est loin. – Cela dit même si certains membres de la famille savaient qui j’étais « de loin », ce n’est pas pour autant qu’ils étaient très au courant de mon actualité. La proximité des liens qui unissent une famille a quand même ses limites… –
Je devais être là, en mon fors intérieur, c’était comme un Devoir, et si je n’étais pas venu, je m’en serais fait grief, au nom de notre enfance complice.
Discuter brièvement avec l’une ou l’autre des personnes présentes en mangeant des bouchées apéritives, apprendre qui est qui, et qu’est-il devenu ?
– Et toi, t’as des enfants ?
– …
Et puis mon cousin m’a ramené à la gare pour prendre l’inter-cité back to Paris. Pauvre Normandie qui jadis était riche, et qui semble être devenue une des régions de France les moins desservies par les TGV, pourtant les trains sont bondés…
Il n’a pas cessé de pleuvoir. Après les épouvantables canicules, et records de températures battus, (comme s’il s’agissait d’un championnat), c’est comme si tout était déjà oublié. Et les abjectes climatosceptiques y allaient de nouveau de leurs arguments imbéciles genre les quelques gouttes tombées allaient « compenser » les sécheresses. C’est quelque chose d’ignoble que la connerie et l’égoïsme qui vous incitent à vous enfoncer la tête sous le sable, ou à défaut dans le cul de l’autruche !
Arrivé chez moi, j’ai allumé la tv pour me changer les idées. Sur une chaîne « la relève des jeunes Ninja Warriors » affrontant les séniors sur un parcours d’obstacles tandis que sur la chaîne du Sénat, il s’agissait d’un combat plus sérieux à savoir la conférence d’une autre jeune ninja, une vraie celle-là, reçue à l’Assemblée Nationale alors même que ces accords pourris du CETA étaient votés comme par une ironie provocatrice en cet après-midi caniculaire.
L’admirable Greta Thunberg (16 ans) évoquait les chiffres inquiétants de ce qui nous pend au nez, chiffres officiels confirmés par les scientifiques du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat):
– Nous avons encore 11 ans d’émissions de carbone au rythme où vont les choses. « 420 giga tonnes de CO2 à émettre, c’est tout ce qu’il nous restait, au 1er janvier 2018, pour avoir 67% de chances d’atteindre l’objectif de 1,5°C d’augmentation de température mondiale. » Selon le GIEC depuis janvier, cela s’est déjà réduit à 360 giga tonnes de CO2 « à émettre », et ce « droit à l’émission de carbone sera « épuisé d’ici 8 ans et demi », après l’air sera saturé, et il n’y aura pas de retour possible. Putain c’est clair ? Eh bien non, pour certains c ‘est pas encore assez sombre. Et plutôt que de réagir et prendre des mesures en tenant compte de ces informations, c’est plus simple de remettre en cause la véracité de ces chiffres…Surtout ne prendre aucune décision qui risquerait de pénaliser les méga-milliardaires complices de l’Etat, et à rentrer en conflit avec tous ceux aussi qui tirent profit de cette surconsommation de tout (énergie et matière première…)
C’est comme de nier la nuit sous prétexte qu’on a de quoi s’éclairer.
Alors oui cette deuxième canicule ne fut qu’une « péripétie », mais imaginez la même canicule quand, à la chaleur elle-même, s’ajouteront des restrictions d’eau et d’électricité!!!
Ne vous y trompez pas, quelles que soient les diatribes des « méchants » réactionnaires qui tentent de nier les faits et causes, le cataclysme inéxorable viendra un jour par l’explosion en chaîne des centrales nucléaires qu’on ne saura plus refroidir par manque d’eau…
Le scénario est simple, facile à imaginer sans s’appeler Jules Vernes, Aldous Huxley, Ray Bradbury, Philip K Dick, Barjavel, HG Wells, ou George Orwell…
Fini de rigoler…
C’est aussi pour ça que j’ai écrit : » Toi ma descendance »
Onze ans mon pote, c’est demain !
Bon je sais, tu vas dire que je rentre d’un enterrement que tu « encens » la mort… Peut-être?
6 heures du mat’, dans le Ouigo bondé en ce jour de départ en vacances, Alaphilippe a perdu son maillot jaune sous une pluie de grêle et coulée de boue…
Et moi, je retourne vers mes origines….
Comme le saumon.
CharlElie COUTURE
Juillet 20XIX