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Confesse Book

329 – Jet Sète

Juillet 2019 – Jet Sète (suite)

Voyage en train d’été direction Sète. Les trains d’été quoi ! Les wagons bondés, les enfants qui abusent de leurs grands parents qui les laissent faire, les pieds nus en nu-pied, les filles inciviles qui parlent des heures au téléphone en riant comme des goélands et qui vous envoient péter quand vous leur demandez d’avoir l’amabilité d’aller passer leur coup de fil entre les wagons. Et le contrôleur qui ne fait rien.
On m’attend à la gare. Un gentil militaire à la retraite qui me fait d’office des compliments sur l’exposition « Passages » de mes peintures, qu’il a vue au Musée Paul Valéry en Mars/Avril.
Il me dépose devant l’immeuble où habitent les gens qui m’hébergeront ici deux nuits au cœur de la ville. 4 étages à pied avec vue sur le port. À peine le temps de poser mes affaires, et je suis convié à faire acte de présence sur la place où a lieu l’inauguration du festival.
Sur l’estrade le maire lit un poème… Tout un poème. À peine un bref salut poli de la part de la directrice du festival qui pourtant a beaucoup insisté pour me faire venir. Disons que j’aime beaucoup cette ville et j’ai du plaisir à y venir, du coup elle n’a pas eu à insister tant que ça, juste préciser les choses en matière d’intervention. J’ai accepté de participer à trois événements. Bon, mais si je m étonne un peu de cette attitude distante, je mets ça sur le compte du stress de l’inauguration. Heureusement je retrouve mon ami éditeur et poète Eric Poindron. Avaler une salade sur la terrasse du Gaboulet chez Boule « l’institution ». Ledit Boule patron de l’endroit m’entraîne en lousdé en cuisine, humer le parfum alléchant de sa « macaronade » championne du monde qui mijote à feu doux dans un immense fait-tout. (une version Sétoise du ragoût, ou de la carbonade Flamande, du cassoulet ou du Gumbo de Louisiane, bref un plat de viande mijoté dans un grande marmite pendant 16 heures à feu très doux, auquel à la dernière minute on rajoute des pâtes,…)
Boire un café et déjà on m’accompagne dans une ruelle de la ville haute où une lecture de mes textes se fait en parallèle de ceux de la poétesse Israélienne Tal Nitzan, l’un et l’autre traduit en langage des signes. Sous les linges et sous-vêtements accrochés aux fenêtres sous le cagnard surtout, une trentaine de personnes en chapeau de paille et claquettes installés dans des transatlantiques, écoutent. C’est tranquille et bon enfant mais, perturbés dans leurs habitudes par ces touristes culturels, les riverains qui n’apprécient guère, vaquent à leurs occupations en faisant du bruit ou en sifflotant.
Les peintres Soulage, Combas, Dirosa, et d’autres artistes de la lignée de la Figuration Libre, habitent à Sète depuis des années. La ville a depuis vingt ans fait de gros efforts pour développer son attrait culturel et pour les uns ça commence à « payer ». Mais pour d’autres Sétois ça change trop vite. La ville de Brassens (et feu Pierre Vassiliu), est en train de devenir Jet Sète. On dit que Catherine Ringer ou Biolay ou untel et untel acteur s’y installeraient, et puis les séries télés « demain nous appartient » et Candice Renoir » drainent une population de touristes peu argentés qui troublent le quotidien des autochtones tout en apportant une manne au profit des petits commerces. « Eh c’est en train de devenir le Saint Trop’ de d’Ouest de Marseille » dit un autre, les prix augmentent et ceux d’ici ne peuvent plus acheter « depuis que les parisiens viennent nous coloniser ». En tout cas côté poésie, y a carrément pas un rond et on sent bien que le festival tire le diable par la queue.
Je remonte me reposer vite fait en quatrième vitesse au quatrième sur le lit de ma petite chambre où je lis qu’ Alaphilippe a conservé son maillot jaune. ¾ à peine je me suis assoupi quand, réveil en sursaut, un appel m’informe qu’on m’a aussi programmé pour une autre lecture sur un ponton de la Criée en parallèle avec un autre poète. Déjà ?! J ‘y file. Je me perds. Pas d’infos, ni de fléchage et quand j’arrive il n’y a ni scène, ni sièges, ni sono, rien. Une quarantaine de personnes en short et robe légère attendent que quelque chose se passe mais dans la famille minimalisme c’est imbattable vu qu’il n’y a rien. Le poète slovène Oztok Osojnik commence à déclamer ses poèmes slovènes a capella. Une personne me murmure à l’oreille que le festival s’intitule « Voix Vives » ce qui justifie la chose mais qu’ils ont surtout depuis cette année perdu les budgets qui leur permettaient d’assurer un minimum de « spectacle ». Après tout, je suis venu de mon plein gré, moi aussi je suis bénévole… Quand Oztok plie sa dernière feuille la traductrice m’invite à lui succéder. Je m’y emploie avec le sourire et les auditeurs s’amusent entre deux chaluts quand on entend les mouettes commenter tel ou tel strophe, en fait de cris sardoniques qui s’apparente plus à la remise en cause de notre présence sur leur territoire…
Je retrouve des amis et la soirée continue à la cave du « vin vivant » spécialisée dans les cépages sans sulfite de petits proprios culture bios. On me tend un marker, en m’invitant à graffer quelque chose sur le mur. J’emprunte un tabouret et au plafond où il reste une place et j’écris : « quand tabouré c’est que t’as trop bu ! »
Je dors peu. Réveillé par les crieuses à plumes, à six heures, je cesse de combattre un gros moustique insaisissable et je m’installe sur le balcon d’où je palpe la mise en route de la ville au rythme des aller et venues des petits bateaux.
C’est Dimanche, il fait beau. Un moment absolument délicieux…

(à suivre)
CharlElie COUTURE
Juillet 20XIX