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Confesse Book

323 – De Toy Story 4

Les travaux de réfection du porche de l’immeuble n’en finiront donc jamais. Hier ils étaient trois à se poser la question de savoir dans quel sens on dévisse un écrou, pour finalement aller boire un café, et revenir avec un marteau après la pose et discuter à nouveau de la question du sens. À la fin de la journée l’écrou était toujours en place, comme dans le match de foot des philosophes des Monty Python. Dans le monde d’aujourd’hui tout le monde ne vise pas l’efficacité, pourtant…
9h30- Héloïse, mon attachée de presse m’informe que la grosse berline noire ( toutes les voitures sont noires aujourd’hui, un signe des temps ) attend pour nous emmener à l’hôtel citadelle Disneyland Paris où se dérouleront les rencontres ITV presse pour l’avant-première de Toy Story n°4 pour lequel j’ai fait l’adaptation de deux nouvelles chansons de Randy Newman.
10h30 À la barrière de l’entrée, l’agent de sécurité, bien qu’informée de ma présence, fait sortir le chauffeur pour qu’il ouvre son coffre…. Des fois que je transporte un inconnu ou un terroriste dans mon coffre… N’importe quoi !! Passons.
10h 40 Très bien accueilli. Sourires, amabilités, sous contrôle et maîtrise rodée de la politesse diplomatique. Café ? La cafetière coule…
Je retrouve des odeurs et ambiances identiques à celles qu’on avait vécues lorsque j’étais venu dans ce même endroit avec mes filles, il y a 25 ans. Dingue de penser qu’ils utilisent les mêmes produits nettoyants, les mêmes parfums. À la différence du château de Versailles qui n’a cessé d’évoluer, ici rien n’a changé, comme s’ils avaient atteint un état de perfection un jour et les choses sont restées à l’identique, (mis à part les Parcs et attractions qui n’en finissent pas de grandir comme une mousse expansive.)
11h 15 Maquillage
11H20 Je suis conduit au salon Harmony, la conférence-room où les interviews vont s’enchaîner.
7 à 9 minutes par intervieweur (euse) ? Chacun attend son tour. Dés le couloir, les journalistes voient défiler un décompte qui s’achève par un «Thank you » quand leur temps est écoulé. Promotion à l’abattage. Codifié à l’extrême. Sans mentir j’ai enquillé 25 entrevues d’affilée devant la caméra. Pas de temps mort. À mon attachée de presse qui demandait un allégement du plan de travail, il fut répondu qu’ils ne voulaient vexer personne. La seule faveur qui me fut accordée fut de m’autoriser à quitter cette pièce où malgré le rideau qui nous séparait, j’entendais les voix des deux comédiens-voix interprètes des personnages principaux Pierre Niney et Audrey Fleurot qui vivaient le même exercice, (et comme ils étaient deux, ils faisaient plus de bruit) et d’aller dans une chambre …
13h55 Après le déjeuner au buffet pantagruélique, retouches maquillage, une demie heure de conférence presse pour la province et les blogueurs
14h30 Ils m’ont installé un nouveau studio dans une chambre et voilà c’est reparti.
Un exercice de concentration, exercice de style, comment faire des réponses différentes aux questions qui sont elles, toujours les mêmes : – Savez-vous pourquoi Disney a fait appel à vous ? Comment avez vous réagi ? – 25 ans plus tard, qu’est ce qui a changé dans ce Toy Story 4 ? – Quel effet ça vous fait de reprendre « je suis ton Ami », – Question plus personnelle, quel était votre jouet préféré quand vous étiez jeune ?
Un mantra. Je m’efforce de ne pas répéter la même chose, à chacun mais c’est parfois très difficile. Au bout de 15 à dix huit, ça devient presqu’une litanie.
Une seule fois, je suis parti en vrille, je ne sais pas pourquoi peut-être que le journaliste m’a pris à l’envers et me voilà embringué à parler de soldats de plomb qui me faisaient peur, statuettes peintes aux couleurs nazi que mon père avait trouvées en 1945 dans une ferme où il s’était caché juste avant la libération du camp de déportation concentrationnaire de Dora Ellrich où il avait été interné 9 mois… Ensuite je n’arrivais plus à revenir sur Toy Story et me voilà racontant l’éducation que j’ai reçue visant à me rendre lucide, en conscience du monde, et comment j’ai été adulte à 7 ans et comment les jouets ne sont pas toujours animés de bonnes intentions, et comment je n’avais pas autant de jouets que cette masse d’objets de consommation qui entoure le quotidien des enfants aujourd’hui… Pendant 9 minutes me voilà sur un registre intime à l’opposé des légèretés frivoles après quoi je repars sur un autre registre plus en adéquation avec la sujet…
18h30 – Retrouver Jamel Debbouze et Franck Gastambide. Visite groupée du « Toy Story Playland ». On enchaîne avec le photo call au milieu du Parc, puis le tapis rouge.
19h30-Après avoir retrouvé ma fille Yamée, je suis installé devant l’écran de la grande salle du Studio Theater.
Avant que je m’attaque à l’adaptation de ces deux nouvelles chansons, on m’avait fait voir une copie de travail noir et blanc, ce soir je découvre le film dans sa version finale. J’apprécie plus encore la sophistication des images d’une incroyable précision et la qualité d’un scénario haletant qui fait de ce film quelque chose de particulier. Avec les années, il a gagné en « profondeur », abordant à travers des métaphores amusantes des questions graves, existentielles, sur l’adoption, la réutilisation des déchets, la peur de disparaître ou la mésestime de soi suicidaire… Je comprends que les gens en sortant considèrent cet épisode 4 comme un des meilleurs Toy Story.
23h- Après une dernière collation collégiale, une autre grosse voiture noire m’a ramené chez moi devant ce porche dont les travaux sont restés en stand by… Quand les uns aspirent « plus plus », pour toujours et à jamais, pour d’autres c’est plutôt « moins que moins ».
En tout cas, je constate que la vie de « Poète-rock-multiste », m’incite à faire le grand écart : autant je fréquente parfois les milieux interlopes dans le confort de la nuit, autant me voilà aujourd’hui au milieu des foules « anxiogènes » dans la pleine lumière d’un Disneyworld aux enceintes grillagées,
Ou présider le 37 ème marché de la poésie place Saint Sulpice,
Ou installer l’exposition « Démons et Merveilles » à Cavalaire partir du 2 Juillet,
Ou ce concert littéraire « American Rimes » que je vais faire à la Société des Gens de Lettres en parallèle de la lecture de textes de Marcus Malte, mardi soir (accompagné par Karim Attoumane),

Mais ça c’est encore une autre histoire…

 

CharlElie
Juin 2019