Ça fait des jours que les escargots sont contents sous les pluies du changement climatique, pourtant ce matin: Blue sky, il fait beau.
7.00h
Bien sûr que les gens dorment plus longtemps le dimanche matin. Personne dans les rues quand je sors de chez moi. Paris appartient à ceux qui se lèvent tôt (ou à ceux qui ne se couchent pas). Arriver vite Gare de Lyon.
7.25h
Sur l’instrument laissé à l’usage des musiciens dans le hall, un pianiste égrène pour la énième fois la même « Maladie d’amour » qu’écoutent, blasés, des homeless allongés en vrac sur les bancs.
Croisé Jean Faucheur qui part à Lyon pour rencontrer d’autres artistes, à qui il va proposer de rejoindre la fédération de streetart qu’il est en train de mettre en place.
7.50h
À peine ai-je retrouvé l’élégant Eric Poindron sur le quai n°7 qu’un homme emmitouflé me fait un sourire complice. Sous la grosse capuche, je reconnais Didier Gustin, l’imitateur. Il part à Belfort jouer une pièce de théâtre avec une collègue comédienne. On monte ensemble dans la même voiture. Le hasard veut que nos sièges soient contigus. Parler, parler, le goût du verbe, il me fait écouter des trucs. On s’amuse d’un rien qui devient un tout, et on ne voit pas le temps passer…
Par le même TGV, Eric et moi nous partons à Mulhouse pour une rencontre avec le public dans le cadre Forum du livre de Saint Louis. L’occasion de découvrir cette ville dont je n’avais jamais entendu parler en France. Je connaissais le Saint Louis du Sénégal, celui du Missouri, mais pas cette ville alsacienne frontalière à l’extrême Est, à 5kms de l’Allemagne, et banlieue de Bâle.
11.45h
Le chauffeur municipal venu nous chercher, respecte scrupuleusement les limitations de vitesse à travers les architectures rectilignes et constructions aux grands toits de tuiles qui donnent une idée des urbanités alémaniques. Quand les influences culturelles passent à travers le pointillé des frontières poreuses.
12.30h
On nous remet nos badges et pochettes donnant accès à l’endroit. Une organisation parfaite, expérimentée et pour cause ce «Forum du livre » fête sa 37ème édition.
Le premier auteur que je reconnais n’est autre que l’écrivain vosgien Pierre Pelot descendu de sa montagne pour dédicacer son dernier roman « Braves gens du purgatoire » ou « Le pays des rivières sans nom ou « Debout dans le tonnerre », ou celui-ci ou celui-là parmi la centaine de ceux qu’il a écrits. À quelques sièges de lui, ce sont le fringant nonagénaire Marcel Amont qui signe des souvenirs, et Patrce Delbourg chapeauté, et Jean-François Kahn un peu fatigué, et Daniel Picouly du genre speed énervé d’être entouré « d’autres » et Cali très sympa qui signe lui son roman « Cavale ça veut dire s’échapper ».
13.00h
Le temps de se régaler au buffet « alsacien » au menu duquel le chef propose des bouchées à la reine (et du bison en sauce) avec des spätzles. Échanger quelques idées à la sauvette avec des inconnus passionnés, déjà on est invités à se diriger vers le théâtre où doit avoir lieu la rencontre avec le public.
14.00h
On a mis un Steinway à ma disposition, « au cas où, s’il vous venait à l’idée de nous en chanter une… » suggère Xavier le modérateur pondéré de cette rencontre.
Quelques réglages plus tard, on rejoint les loges. On commence à être rodés, Eric et moi, lui pour « Comment vivre en poète » et moi pour « La mécanique du ciel ».
Le public est rentré. Éric Poindron entame avec son verbe fluide la première réponse à la question «Comment êtes-vous entré en Poésie?» et ça s’enchaîne pendant une heure et quart, pour se conclure après les traditionnelles questions du public par la suggestion appuyée qui m’est faite de rejoindre le piano. Je n’ai pas beaucoup à me forcer, car c’est toujours un plaisir de « faire jouer » un beau piano, d’autant que je n’ai pas l’impression que celui-ci tout neuf soit souvent mis à contribution. J’interprète «Les chevaux froids » et «Un jour les anges » en précisant que les arrangements qu’on jouera à Sausheim seront un tantinet plus sophistiqués. (car dans 4 jours à peine, je reprends le même train avec le groupe cette fois, pour deux concerts en Alsace : Sausheim et Oberhausbergen).
16.00h
Longue signature de disques et livres aux côtés d’auteurs inconnus de moi, invités par la librairie «Encrage ».
18h
Monter dans le bus qui ramène à la gare de Mulhouse un aréopage d’auteurs, ex-journalistes, éditeurs et écrivains de tous bords et tous acabits.
19.00
À peine sommes-nous montés dans le train que celui-ci démarre. Cependant on remarque tout de suite que quelque chose ne va pas. Y a comme un tumulte: un homme est très inquiet, il cherche son sac. Panique. Un autre voyageur informe l’infortuné qu’il a été surpris de voir un type à casquette repartir vite à l’inverse des passagers entrant. Il affirme qu’il a clairement remarqué qu’il avait un sac sur le dos : « Je l’ai vu descendre, je me suis étonné, mais que pouvais-je faire ?» Le volé est très stressé : son passeport, les clés de sa voiture de son appart’, son ordinateur, tout était dans son sac à dos. Il doit aller à Londres demain. D’autres passagers l’accompagnent dans son désarrois, ils tentent de trouver des solutions. L’un d’entre eux dit qu’il a une application qui permet de tracker la clé de sa voiture par satellite, il se pourrait même qu’ elle soit toujours dans le train. Un flic en civil s’en mêle, vaguement. La bande en colère remonte les voitures les unes après les autres, en vain …
Pendant une bonne heure tout le monde cherche le sac, mais force est de se résoudre à admettre l’évidence. « Il y a avait deux mecs, le premier faisait écran, le deuxième piquait le sac… » Les vols à l’arraché sont de plus en plus fréquents dans les trains. Des bandes organisées… Heureusement il avait son smartphone sur lui. Je l’entends faire opposition à tous ses comptes; mais bon, il faut s’en remettre à la fatali-thé fort de café…
Pendant que j’écris, cette chronique d’un jour, Éric lit. Eric est un maniaque de la page tournée. Il lit les livres qu’on nous a offerts là bas, et d’autres qu’il a achetés. Et quand il n’en a pas assez, il lit les magazines mis à la disposition par la compagnie de chemin de fer…
21.30
Le soleil est en train de sombrer dans la nuit.
Je récupère mon scooter. Tout est si simple à Paris quand il n’y a pas d’embouteillage !
22.00
La nuit a pris possession de la capitale.
Si les jours de pluie qui ont précédé semblaient ne jamais finir, par contre, je n’ai pas vu passer ce dimanche Alsacien…
CharlElie
12 MAI 2019