Je suis allé à Bordeaux ce WE pour présenter mon livre « la Mécanique du Ciel »… On m’avait suggéré d’arriver en avance parce que ça risquait d’être le bordel à Bordeaux en ce 18ème samedi de Gilets Jaunes. Mais que nenni, j’ai surtout vu deux gangs de flics en civil très excités à l’idée d’aller affronter lesdits manifestants diabolisés, mais qui du coup se sont retrouvés un peu le bec dans l’eau parce qu’il n’y avait pas grand monde en face d’eux cette semaine. Aussi, comme j’avais de la marge avant ma conférence, j’en ai profité pour aller à l’Institut Culturel Bernard Magrez visiter l’expo « FESTINS » du photographe Gérard RANCINAN (assorti des textes de l’auteure CAROLINE GAUDRIAULT). Une expo à la fois engagée, militante, clairvoyante et tonique qui présente quelque 18 grandes photographies, genre méga productions. Comme toujours Rancinan contrôle/ maîtrise / choisit les moindres détails. Il a la précision des illustrations de Norman Rockwell. Mais si l’un se plaisait à raconter une Amérique quasi idéalisée dans les années 60, Rancinan lui, cherche à mettre en exergue les travers, clichés et stéréotypes d’une société orgiaque, où le capitalisme soi-disant évolutif mène au trop-plein de tout. D’où ce haut-le-cœur qui prend la gorge des honnêtes gens comme les touristes hébétés sur une frêle embarcation chahutée par les vagues de la mode sur un océan de consommation..
Cette présentation d’images fixes est ccompagnée d’un film-plan-séquence tourné avec une caméra rotative – (qui aurait pu être jadis Buñuel, Chabrol ou Brisseau)-, des comédiens réunis autour d’une table incarnent les poncifs d’une soirée pédante.
Les compositions de Rancinan sont truculentes, picaresques, elles diffusent un message critique, efficace comme ceux d’une communication accessible à tous. Sur un fond blanc s’exhibent des personnages rococo ou des Vénus un peu trash, à peine quelques éléments de décors baroques ou aseptisés. À la limite du fantastique. Quand la bizarrerie et l’extravagance côtoient l’insolent d’une comédie humaine en plein désarroi. La perfection technique des prises de vue, donne à ces fresques « fin de règne, en totale décadence » une dimension murale qui dépasse l’Art de salon. Et le cadre de cette bâtisse bourgeoise (le château Labottière) se prête à l’idéal à la « mise-en-cène » de ces « banquets de banquiers », de « vamp-pires-que-tout », de « Bat-men et Bat-women en famille», « de sosies-en-sauce », de « Mickeys-maous-costauds» …
Ensuite, repu je suis reparti, sous la pluie.Faire un tour au CAPC, musée d’art contemporain de Bordeaux, un endroit magnifique qui se plaît à se suffire à lui-même tant il n’y a rien à voir ou presque, et les calicots ou fiches de renseignements mal placés loin des œuvres qu’ils décrivent… Bref, typiquement de ces endroits qui rendent l’Art Contemporain obscur, élitiste et occulte. Dommage. Tant pis. Anyway.
Rejoindre Eric Poindron et monter sur la scène du 20ème Marché de la poésie. Parler sans modérateur ni modération des raisons, du comment et du pourquoi de nos livres respectifs. Signature, dédicaces. Et boire un autre verre avec un ami (à Bordeaux on n’a pas le choix), rencontrer une Américaine, échanger quelques propos à propos de Manhattan et s’en aller manger chez l’un des organisateurs. (De ces tablées gauloises où tout le monde espère parler de lui tout en ne disant rien d’autre « qu’il faut de l’amitié pour réchauffer un cœur endolori.»
Retour en solo un peu soulé, sous la pluie à l’hôtel, où je sombre vite dans les bras de Morphée.
Dimanche,
Poindron me raconte qu’il ne trouvait pas sa chambre et faute de veilleur de nuit, il a failli dormir dans le lobby.
Promenade matinale au milieu des baraques foraines et manèges déserts, un décor de film d’horreur désuet aux icones en couleurs vernies par la pluie. Croiser un chien qui boîte, entendre des cris dans une roulotte… Décidément la phrase qui dit : La nuit triche, la pénombre embellit et le jour exagère n’a jamais été aussi vraie…
Je rejoins la Halle des Chartrons.
30 inscrits à l’atelier d’écriture, je leur propose des jeux et variations autour du chiffre 7, en sept minutes, sur sept lignes (Eric propose sept objets à mettre au grenier de la mémoire, sept choses à faire à Sète) et sept téra…
Boire un dernier verre « de l’amitié », et à la très grande vitesse de 317 kms/h le TGV me ramène à mon point de départ Gare Montparnasse.
Ce weekend, s’achève et je n’ai pas vu le temps passer.
CharlElie.