Pour passer de la réalité au rêve, les industriels s’adressent aux « agences de communications » qui s’efforcent d’inventer du « storytelling » aux choses, denrées et bidules qu’ils veulent mettre sur le marché. De même pour passer de l’ombre à la lumière, c’est aux attachés de presse qu’on fait appel afin que le grand télescope des médias se tourne vers des planètes jusque-là inconnues mais qui espèrent grossir jusqu’à devenir des stars. Aux Etats-Unis, un chargé des relations publiques s’appelle P.R. (prononcer : Pi-Art), en France cette fonction est celle des « Attachés de Presse », – terme un peu réducteur dans la mesure où les médias ne se limitent pas à la Presse-. Soit vous n’êtes pas connu et ils sont chargés de vous faire connaître, soit vous êtes déjà reconnu et il leur faut trouver de nouveaux arguments pour vous faire re-reconnaître. S’en suit alors un dialogue de sourds entre le tableau et le cadre:
– C’est moi qu’on regarde dit le tableau fier de lui,
– Oui, mais c’est grâce à moi, sinon tu resterais au sol, nananah, répond l’encadrant.
En réalité, c’est un intérêt partagé. Win/win, fifty/fifty, 50/50, donnant/donnant. D’un côté les célébrités attirent des spectateurs comme les papillons devant une lampe allumée, de l’autre les médias avancent que lesdites « célébrités » ne font que refléter une lumière braquée dans leur direction. La gloire – pour ne pas dire « gloriole » – nait quand le serpent se mord la queue, autrement dit : plus vous êtes célèbre, plus on vous invite, et donc plus vous êtes invité plus vous êtes célèbre ! Et le temps d’une mode, d’un été, d’une frivolité, on invite toujours les mêmes. Mais avant d’atteindre cet état de « grâce» médiatique, il y a un certain nombre d’obstacles à franchir. Ces barrières ou « filtres » s’appellent : programmateurs, rédacteurs en chef, chargés de prod’ voire « animateurs/trices» (même si ceux qu’on voit le plus ne sont pas toujours les plus influents). Loués ou craints, flagornés, caressés dans le sens du poil,(et même parfois achetés ou récompensés d’un « p’tit cadeau », ou d’un chèque voyage) ils font la pluie et le beau temps en toutes saisons. Mais surtout un peu paranos comme beaucoup de gens du Pouvoir, ils se calfeutrent derrière des baies vitrées et regardent les choses de loin. Ils ont des objectifs à atteindre, visent tel ou tel cœur de cible (lecteurs, spectateurs ou consommateurs), et se justifient leurs choix en disant qu’ils ont de comptes-à rendre. Aussi pour un sourire, pour un détail, par amitié communautaire, par esthétisme ou simplement par goût, ils peuvent aussi bien freiner une carrière ou encourager celle de leurs amis, jeter les uns aux oubliettes ou faire grandir de jeunes pousses. Il leur suffit de lever le pouce ou de le baisser, ainsi ils accordent à l’une le droit d’exister tandis que l’autre mourra dans l’oubli. Si aléatoire que ça paraisse, c’est pourtant comme ça que ça se passe! Alors, tels les avocats face à la Justice, c’est là qu’interviennent les attachés de presse-Relation Publiques. Avec un sens tout particulier de l’escalade, ils tentent de gravir ces murailles d’injustices. Quand les directeurs de programmes se forgent une opinion sur des statistiques, des résultats médiamétriques, des pourcentages et indices calculés (avec une marge d’erreur semblable à celle des météorologues qui vous promettent des tempêtes de neiges quand il ne tombe que trois flocons) c’est alors que les attaché(e) s montent au créneau. Il faut en trouver des mots et des mots pour attendrir les gargouilles, éteindre le feu des dragons ou amadouer les cerbères qui protègent l’entrée du château des médias. Il faut de l’habileté et du savoir-faire pour convaincre l’un, chahutant l’autre, slalomer entre les chicanes des egos à fleur de peau, avancer pas à pas sur la moquette des couloirs climatisés, trouver une faille entre les moellons des programmes, ou même apaiser d’une boutade une vieille rancune causée par une vexation ou une plaisanterie maladroite et figée depuis des lustres dans la mémoire tel un ongle incarné…
Qu’on soit professeur, médecin, footballeur, acrobate, plombier, mannequin, chauffeur poids lourd, infirmier, notaire, gardien de prison ou artiste, quelle que soit l’activité qu’on exerce, il y a certes toujours ceux qui font mal leur boulot, les énervés, les tendus, les râleurs et les bigres insatisfaits, mais il y a heureusement aussi ceux qui font bien les choses, parce qu’ils ont l’envie et qu’ils possèdent ce qu’on appelle le talent !
Combien de fois ai-je pensé qu’un livre ou un disque que j’avais fait, était présenté seulement comme « un de plus » parmi des piles de nouveautés que des stagiaires mal renseignées, apportaient aux médias par obligation sans plus de conviction… Par contre, si aujourd’hui vous avez le sentiment d’entendre parler de l’album « Même pas sommeil », un peu plus que d’autres, c’est (aussi) parce que j’ai eu la chance de rencontrer l’un des, si ce n’est LE meilleur attaché de presse avec lesquels il m’a été donné de travailler. Je profite de ce post pour les remercier lui et son équipe pour leur professionnalisme, sachant que, comme dans tous les métiers d’assistance, indispensables mais souterrains, il faut faire preuve de beaucoup d’intelligence et de diplomatie pour arriver à convertir l’impossible en possible…
CharlElie
FEV 2019