Alors qu’il faisait beau au Nord, il pleut sur Paris quand je reviens de Bruxelles où seront exposées jusqu’au 10 Mai, une douzaine de mes peintures et photografs, en trio avec le graffitiste JONONE et le sculpteur JAK ESPI. Ca se tient à Uccle avenue Messidor, dans une maison temporairement dévouée à cet usage.
Au dos d’une pub pour notre expo dans Art magazine, je vois que s’ouvre ce même jour à la Galerie Valérie Bach, une expo des nouveaux travaux de Gérard Rancinan.
Je lui passe un coup de fil et j’y file. Gérard est un de mes bons amis. Il est l’auteur du portrait qui a été choisi pour la cover de mon prochain disque. Gérard Rancinan est un très grand photographe. Son travail transcende la photographie. Après avoir longtemps travaillé pour la presse avec l’agence Sygma et en indépendant, il a pris une option plus artistique depuis vingt ans. D’abord truculent manipulateur de concepts, il tend aujourd’hui vers un style épuré d’une force rare. D’immenses tirages de plusieurs mètres, dans lesquels l’angoisse de vivre est omniprésente. « A small man in a big world» présenté là en avant-première, dépasse l’apparence de l’image. A la fois remplies de sérénité et d’inquiétude ces nouvelles œuvres sont un point de jonction entre la froideur d’un monde où tout est voulu et l’humanité isolée dans ce décor froid. Cette exposition me ramène à certains cauchemars d’enfance.
L’Art c’est ce qu’il reste en tête une fois qu’on a fermé les yeux. Une œuvre est importante non pas pour ce qu’elle est, mais pour ce qu’elle suggère. Je pourrais écrire des dizaines de pages sur ce que cette exposition me suggère…
Je traverse la rue pour aller visiter une expo des cervelles en marbre de Jan Fabre chez Daniel Templon ; néanmoins si j’apprécie le dadaïsme de ce Belge provocateur, j’avoue que j’ai un peu de mal après le choc de ce que j’ai vu auparavant.
Je retourne à mon vernissage. J’y retrouve John Hastry, patron du studio ICP où il y a quatre mois j’enregistrais « I m M o r t e l » . Il me dit que Cat Stevens m’a suivi dans le studio où il a travaillé sur des blues…
C’est la semaine de l’Art à Bruxelles. Il y a comme une effervescence.
Les curieux affluent dans cet endroit incongru. Le monde est aussi grand qu’il est petit. Soudain je reconnais Marc Jolivet de passage en Belgique que Rancinan a redirigé vers ici. On ne s’est pas vu depuis plusieurs années. J’avais dessiné des affiches pour les spectacles de Marc. On se remémore quelques souvenirs, et déjà ce luron écologiste dans l’âme au sourire ironique, a disparu dans la nuit bruxelloise.
Chris Herzfeld est une artiste, philosophe des sciences, spécialisée dans l’étude des grands singes. Elle a besoin de sa grande bibliothèque pour ses recherches mais elle voyage aussi souvent à travers le monde. On parle pendant des heures avant que le sommeil ne m’envoie rejoindre la position horizontale plane, sous le regard de chimpanzés, orang-outang ou gorilles qu’elle a photographiés avec amour et dont elle connaît tout.
Petit déjeuner frugal en cette belle journée de ciel bleu dans le murmure ruisselant d’une mini mare où nagent des têtards. Puis nous filons rejoindre d’autres artistes Belges qui nous attendent chez Gaudron place Burgmann. Marianne Garnier et Manuel Geerinck avaient eu la chance de gagner leur carte verte en même temps que nous nous installions il y a dix ans à New York. Marianne était prof d’arts graphiques dans une école américaine, et Manuel faisait de magnifiques photos abstraites. Il y a quatre ans, quand j’ai ouvert la RE-Gallery, Marianne y a présenté les dessins et peintures qu’elle faisait sur de petits carnets. L’expo a super marché, et du coup et elle en a fait d’autres…
Installés désormais en Espagne dans des conditions plus confortables que l’étroitesse du lieu qui leur servait d’appart’ à Manhattan, Marianne et Manuel continuent d’exposer leur travail. Au Rivoli Building, chaussée de Waterloo, elle présente une trentaine de dessins très précis agrémentés d’une légende littéraire. Surréalistes, vibrantes, ingénues et poétiques, ses œuvres sur papier, sont certes de petite taille mais pourtant très intenses.
Avant de repartir à la gare prendre mon train, il me reste une heure, j’en profite pour aller saluer le street-artist Jef Aérosol qui expose ses pochoirs de stars sur toile, rue des Renards, dans les vieux quartiers près du marché au puces. Mais je tombe sur la galeriste très inquiète au milieu d’œuvres posées au sol. Jef n’est pas encore arrivé, le vernissage a lieu à 18 h et elle n’a pas encore la moitié des œuvres, l’angoisse …
La vie est une suite de suspens.
En attendant le Thalys, parmi les premières pages de je-ne-sais quel pipol magazine « hebdromadaire », je tombe sur une photo volée façon paparazzi, du grand Benjamin à l’aéroport en compagnie de Vanessa Paradis. En Jaune fluo y marqué que c’est un scoop… tu parles d’un scoop ! Y en a peut-être qui rêvent de ça ; moi, j’avoue que cette vie là ne me fait pas envie, j’en ai une autre, enfin deux autres…
® CharlElie – Avril 20XIV