Chaque année je mettais en ligne une sorte de bilan sous forme de poème fleuve, mais cette année rien ne vient. J’écris tous les jours, mais en ce qui concerne ces vœux, j’avoue que j’ai l’esprit « encartonné ». Yves Saint Laurent disait : « Je ne comprends pas le monde mais je le ressens. », pour ma part, j’entends le compte à rebours d’un ultimatum, associé à la crainte de voir notre civilisation arrivée au terme de son Histoire. Cette Histoire a commencé il y a 7000 ans à peu près si on démarre en Mésopotamie, (en 5779 plus précisément selon la Thora), ou il y a 40 000 ans si c’est à Lascaux que ça se passe, ou 3 Millions et quelques, si on remonte à Lucy, mais quoi qu’il en soit par rapport aux 4 milliards de la planète, on se bat pour des secondes… Obsédés par l’urgence, stressés par les échéances, propulsés par le souffle d’une accélération démente, sommes-nous réellement à la fin d’un chemin goudronné ?
On pose nos valises, assis au bord de la falaise, les fesses sur le sable, on voudrait imaginer le futur en voyant le jour se lever sur nos écrans à cristaux liquides. Je tente de me projeter au-delà des évidences, mais c’est difficile d’inventer un avenir tranquille quand tel un tableau de Jérôme Bosch, on voit apparaître dans les médias qui nous racontent (rendent compte) autant de scandales, de trahisons, de faux-semblants, corruption, conflits d’intérêt, mensonges, faillites (frauduleuses -ou pas-), désillusions, tortures, violences gratuites, self-défense palliative, tsunamis, cyclones, typhons et tornades, flux migratoires, pollutions, asphyxie, expérimentations hasardeuses, hypocrisie, cynisme, injustices, crises économiques.
La technologie digitale et la robotique ont fait exploser la production, pourtant il y a de + en + de minorités opprimées. Consommation compulsive et consomption maladive…
Question: – Quelles sont vos occupations préférées ?
Réponse: – Qui… euh…Moi ? hein, moi, j’adore faire du shopping!
suivi d’un rire de hyène.
Endettement, problème de sous, en France, souffrance dans la « sous-France », précarité, dans la rue, les gilets jaunes et la classe moyenne écœurés, dédaignés par les castes dites « supérieures ».
Si en 2017, on avait parlé de « point de rupture » à la limite des forces en présence, on vous aurait ri au nez. Pourtant un an plus tard, ça ne surprend personne. Comme ces concours de milliers de dominos qui tombent en hécatombe, comme les amours s’étiolent, comme un feu aux poudres, l’érosion s’est accélérée au cours des vingt dernières années. Les sonnettes d’alarme crient à tout va, les sirènes hurlent tant et plus, mais toutes les alertes n’y changent rien, on s’habitue juste à les entendre. Comme chauffeur d’Uber, tatoueur ou climatologue, l’activisme des « lanceurs d’alerte » est devenu une profession / occupation à temps plein, façon blogueur pas blagueur.
Chacun baisse le menton sur sa tablette et Smartphone, on dresse le majeur en l’air pour faire savoir qu’on s’en fout… Salut hitlérien ou quenelle de merde, chacun se replie sur ses soucis et ses envies de vacances, et l’on parle d’un vain espoir de réalisation personnelle. Individualisé, on se gave de junk food sucrée en répétant qu’il n’y a pas de raison qu’on se prive vu que les « zôtres » s’en mettent plein la panse.
On nie l’évidence et on détruit l’éco système sans complexe, (huile de palme assassine!), on relance la chasse à la baleine ou on préconise le « tourisme chasseur…» etc.
On accepte les horreurs avec indifférence. Les dictatures s’installent en promettant la sécurité. Les députés s’accordent des augmentations mirifiques et votent des lois pour s’auto-affranchir de toute condamnation. Les dirigeants signent entre eux des pactes de non-intervention. Les présidents alternent la carotte et le bâton et chacun prie pour sa paroisse. Les journalistes ménagent la chèvre et le chou. On allume des feux de barrage, on livre quelques boucs émissaires en pâture à la vindicte publique et celle-ci libère sa haine en lapidant les coupables présumés…
Bref on fait joyeusement comme si de rien était…
Et l’on s’oblige à se réjouir des moindres bonnes nouvelles en espérant qu’elles suffiront à étouffer les mauvaises.
« Même pas sommeil », mon 23ème album sortira chez PIAS en Janvier, puis ce sera le livre « La mécanique du ciel » au Castor Astral, puis des expos (Février au Musée Paul Valéry à Sète), et une belle tournée à venir…
Alors oui, moi aussi je me pince encore un peu plus fort pour y croire, et tout en espérant me tromper en ce qui concerne ce que je viens d’écrire ci-dessus,
je ressasse comme un mantra, qu’on est toujours au point zéro entre passé et futur, et je profite de ces dernières lignes pour redire à mes ami(e)s combien je souhaite pour eux: courage, résistance, flegme ou abnégation, énergie (clean), volonté, humour, audace, zèle, dévouement et intrépidité pour envisager la meilleure année 2019 possible !
CharlElie COUTURE