Un retour difficile
(Le mensonge)
3 (suite et fin)
C’est alors qu’un jeune type s’avance, vers « l’hôtesse » d’Air K. nada, il lui dit quelque chose et revient vers moi. En me faisant un petit signe complice, il me glisse gentiment de ne pas m’inquiéter, puis il me montre sur son téléphone une application sur laquelle apparaissent les noms des voyageurs en attente. Il est arrivé seulement depuis ¾ d’heures, moi, j’attends depuis 9 h du mat’, et pourtant il est avant moi sur cette liste… Il m’explique que c’est une histoire de prix de billet. Lui, il est en première. Le cerbère d’Air Canada sert en priorité ceux qui ont acheté leur billet…
– Mais comment ça ? Moi aussi j’ai acheté mon billet !
– Les compagnies font du surbooking. Elles comptent sur les défections. Les places laissées vacantes vont d’abord à ceux qui ont acheté un billet pour ce vol ci !
C’est vrai que je suis moi une pièce rapportée, vu qu’on m’a inscrit pour le vol du Samedi soir, le vol vide, celui que personne ne prend.
Mais le mec a été ému par mon histoire d’enfant sur le trottoir et il vient de m’offrir sa place. Je suis soudain très confus. C’est un jeune Belge d’une trentaine d’année. Il est programmeur, sa compagnie l’a envoyé en mission à Montréal toutes les semaines, il vient depuis NewYork. Il connaît bien les difficultés qu’on rencontre aujourd’hui, elles lui semblent presque routinières. Il s’appelle Maxime, il est célibataire, il rentre pour retrouver sa copine mais ils n’ont pas encore d’enfants. Du coup il me demande des détails sur les miens…
– Ce sont VOS enfants dit-il un peu surpris, vu mon âge.
Et meeerde. Maintenant qu’il s’est « sacrifié » pour moi, je n’ose pas lui dire la vérité, alors je plonge honteusement dans le marais du mensonge.
– En fait ce sont mes petits-enfants… enfin, ceux de ma belle-fille, Elle est à l’hôpital… Elle a été opérée. Non ce n’est pas très grave… mais quand même…
Et chaque fois qu’il me pose une autre question, je suis obligé d’en rajouter. Putain, moi qui ne ment jamais.
– Ben euh, un garçon et une fille. Ils ont quel âge ??? Eh bien on va dire 5 et 7 ans. Oui, très sympas.
Je ne sais pas mentir, j’ai toujours fait chier les journalistes à force de vouloir leur dire la vérité. J’ai honte de raconter ces sornettes, mais aussi, putain, c’est de sa faute, c’est lui, il veut savoir… Et ça y est meeeerde, je me retrouve même grand-père. Aujourd’hui je HAIS cet Air Canada de mes couilles qui m’oblige à ça !
16.15h.
Tous les passagers sont rentrés dans l’avion. On reste une dizaine à prier que les intempéries aient laissé sur le carreau ceux qui ne sont pas là.
Enfin, l’hôtesse me fait signe. En me tendant ma carte d’embarquement elle murmure que « c’est grâce au messieu… ». Après avoir passé le contrôle je reste un instant interdit dans le couloir, pour savoir ce qu’il en est de lui… Et je vois arriver mon copain Maxime avec un grand sourire. Il me glisse qu’elle a trafiqué le listing pour qu’on puisse monter tous les deux. Impossible de savoir combien de passagers restent en plan. Je sais juste qu’apparemment nous sommes les deux derniers.
17.00
Après être passé au dégivrage, l’avion décolle enfin.
Une heure de vol. Je m’assoupis. Epuisé.
18.00
On atterrit à La Guardia.
En fait en guise de « tempête », non, rien, il n’y a rien. Le sol est luisant certes, mais il n’y a pas trace des tonnes de neiges qui soit disant, s’étaient abattues d’après les médias catastrophistes. J’appelle : « Landed, c’est bon, j’arrive »…
Tu parles, non, c’est pas encore réglé.
L’avion met plus de 25 minutes pour être tracté jusqu’à son point de débarquement.
Je fonce prendre un tax, mais que nenni, pas de taxi. L’aéroport est en travaux, la queue au bout de laquelle je m’aligne n’est nous mène juste à un point où l’on monte dans un bus, qui lui nous transporte à 5 kilomètres pour là, monter dans un taxi.
On est vendredi et il y a beaucoup de monde.
Bref, il y a des jours où la chance n’est pas de votre côté : j’arrive enfin au bout de la ligne après 50 minutes de poireau dans le froid et paf, c’est juste devant moi que l’employé lève le bras pour me faire attendre qu’un autre bus arrive. Mais c’est quoi, cette scoumoune ? Encore 20 minutes à me les geler.
Finalement je suis dans le bus, j’appelle : Pas le temps de rentrer à la maison, je vais demander au taxi de me laisser en haut de Lexington, on se retrouve dans le métro.
Bon décidément y a des jours off. Le taxi sur-surchauffé me fait la gueule, et râle à haute voix, disant que venant de Queens, c’est une petite course, qu’il a attendu 2 heures pour rien, que je lui fais perdre son temps.
Je juste suis content de descendre et je m’engouffre dans le métro et là, c’est ma carte métro qui marche plus…
Oh putain de journée de merde ! Quand ça veut pas, ça veut pas. À croire que les emmerdes ça vous arrive par paquets de dix.
Bon, je raconte tout ça, mais sais bien que je ne suis pas le seul à qui ce genre d’embrouilles arrive, et je n’en tire pas de conclusions célestes, finalement je suis là…
On passe une super soirée, on fera la répète’ comme prévue le lendemain,
Et ce concert unique sera super…
Et merci encore à Maxime D.
Et la vive la vie qui continue.
CharlElie.
Nov. 2017
EPILOGUE :
Samedi à 19.45h
Je reçois un message d’Air Canada qui me dit que la porte d’embarquement a changé. Ce qui signifie que le vol de 18.40h sur lequel j’étais inscrit n’a toujours pas décollé et qu’ils n’ont même pas noté que j’étais arrivé à ma destination depuis la veille…