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Confesse Book

282 – Festival des Antipodes

Je viens de participer en tant que membre du jury à la 20ème édition du festival des Antipodes qui se tenait comme chaque année dans la ville du gendarme de Brigitte autrement dit « Saint Trop’ » la ville où rien n’est jamais trop. La ville où l’on voit des jeunes mecs de 25 ans conduire des Maserati jaunes ou des Lamborghini oranges, où un maillot de bain peut valoir 200€, et où les bateaux de milliardaires se relaxent à quai, la conscience d’autant plus tranquille que le gouvernement LREM vient récemment de libérer leurs propriétaires de la taxe sur les yachts…

Au départ ce festival des Antipodes est l’œuvre d’un seul homme. Dans le courant des années 80, Bernard Bories a vu « Pique-Nique à Hanging Rock », un film australien de Peter Weir dont il est tombé amoureux. Il a voulu faire partager sa passion à d’autres et il a donner tout son temps libre en marge de son activité professionnelle, pour aider à faire découvrir cet autre cinéma…

Je le connais depuis des années, il tentait vainement de m’inviter, mais mes emplois du temps m’avaient jusque-là empêché d’accepter sa proposition. Chaque fois je lui répondais: « dans l’Absolu, rien n’est impossible, tout est question de timing ». Cette année c’était possible.

J’ai été souvent en Australie. Je connais bien ce pays. J’y ai enregistré deux disques « Melbourne Aussie » et « Victoria Spirit », j’y ai écrit deux livres de nouvelles : « les dragons en sucre » et « le couloir des brumes », je l’ai peint, j’en ai fait le tour, et je crois pouvoir dire que j’ai une petite connaissance de la culture australienne.
J’ai donc été ravi d’accepter la proposition qui m’était faite par son président cette année, d’autant que Jane Campion dont j’admire le cinéma, était l’invitée d’honneur de ce vingtième festival.
Chaque culture se trame sur un faisceau de références qui lui sont propres. Le cinéma australien (et néo-zélandais) est très particulier. Il excelle dans le non-dit, il joue avec les silences et l’espace. La beauté de ce cinéma n’est pas dans la démonstration « à l’américaine », ni dans la complexité de relations humaines sophistiquées « à la française », non, sa particularité et son unicité tient dans le fait que la vie lente se déroule sans qu’on sache ce que le plan suivant nous réserve. Il y a peu de dialogues, et les choses évoluent par sous-entendus. (Ou bien, c’est vrai aussi que d’autres réalisateurs font exactement l’inverse, pour être certains d’être compris, ils font des films aux scénarios téléphonés, à l’humour bidon et à la réalisation lourdingue). Mais bon, c’est vrai dans beaucoup de domaines, certains ont tant besoin qu’on mette les points sur les « i » que le « i » finit par disparaître, il ne reste que le « point » que tu te prends dans la gueule.
Participer à un jury, c’est avoir le droit de donner son avis. Tout le monde n’a pas le même intérêt pour les mêmes choses. C’est un peu comme une colo, on doit apprendre à se connaître, chacun arrive avec son bagage d’émotions et de problématiques, de jalousie et d’angoisse, de connaissances et de naïvetés. Il y a mille manières d’exprimer ce qu’on ressent, les uns explosent, d’autres rient d’excitation, d’autres se taisent, les uns nerveux, d’autres qui n’osent pas choisir. Choisir est toujours difficile. Il faut accepter certaines règles du jeu quand on est chargé de donner un avis. Pourtant certains se réfugient derrière le fameux « c’est duuur de juger, mais de quel droit donnerais-je mon avis ? ». Oui c’est vrai il n’y a pas de « bon » et de mauvais résultat. Toutes les célébrations honorifiques, trophées, oscars ou autres ne mènent qu’à des injustices. Les discussions à l’emporte-pièce autour d’une table, n’effacent pas des années d’hésitation. Quand on est jury, si l’on veut voir aboutir son vote, il faut des alliances genre Koh-Lanta et celles-ci n’ont rien à voir avec la qualité des œuvres jugées.
Bref, cette année le jury était composé d’Anne Depetrini, Marie Kremer, Jean-Baptiste Shelmerdine et moi-même sous la présidence de l’actrice Greta Scacchi.
La sélection était très bien faite en amont et les six films en compétition avaient chacun quelque chose à défendre. L’intérêt d’un festival comme ce festival des Antipodes c’est de présenter des œuvres qui ne sont pas distribuées via les circuits traditionnels. Que ce soit « Strange Colours » d’Alena Lodkina ou « Stray » de Dustin Feneley, ou même « Breath » de Simon Baker, tous des premiers films que vous n’aurez pas la chance de les voir ailleurs que là.
Alors n’hésitez pas, allez dans les festivals et si vous avez l’occasion, venez y l’année prochaine… Grand voyage aux Antipodes garanti!

CharlElie Couture

PS : À l’arrivée, c’est le film « West of sunshine » une comédie dramatique sympathique dont l’acteur principal est décédé il y a quelques mois d’une overdose, qui a reçu le prix.