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Confesse Book

280 – Charles Aznavour

Il était le chanteur Français le plus connu dans le monde. Charles Aznavour né Shahnourh Varinag Aznavourian a écrit, pour lui et pour d’autres, des centaines de chansons (parmi lesquelles, bon nombre de chansons importantes) qu’il a par ailleurs enregistrées dans une dizaine de langues. Pourtant est-ce parce qu’il portait en lui tout le drame de l’Arménie, (dont il avait acquis la nationalité en 2008) ou est-ce parce qu’à part son monde, tout lui semblait frivole, mais je dois reconnaître que Charles Aznavour m’a toujours filé le bourdon.
Ses belles chansons aux mélodies graves et tristes, ses interviews morales et sérieuses ou son attitude « seul contre tous », tout cela me laissait sans voix. Et voilà qu’en mourant dans son sommeil à peine deux semaines après l’avoir entendu évoquer avec enthousiasme de tout ce qu’il voulait encore à faire, à nouveau ça me file le bourdon, comme si j’apprenais la mort du dernier dinosaure des artistes majeurs de l’après guerre.
Franc-tireur, il est resté lui-même, coûte que coûte.
Certes il en avait bavé au début avant de connaître une reconnaissance internationale, mais en voulait-il à quelqu’un ? Je ne veux pas croire que sa force de création était seulement motivée par un goût de revanche. Non, Charles Aznavour était un poète, un écorché.
Il semblait que rien n’était léger avec lui, tout pesait lourd.
Charles Aznavour était quelqu’un de solide comme un piquet de tente, que dis-je, un mât au centre d’un chapiteau. Il était une référence incontournable de la chanson Française, un repère pour certains, autant que Piaf ou Sinatra l’avaient été pour d’autres.
On ne le voyait que très rarement arcbouté sur un instrument, il incarnait l’homme debout devant son micro, avec l’orchestre derrière lui. Juste lui, sa voix et ses mains. Il avait ce côté « grand chanteur», celui qui faisait face à l’adversité, celui qui affrontait le monde. Face à face. D’égal à égal, avec ce qu’il faut d’ambition (et de mégalo) pour gravir les plus hauts sommets de la plus haute montagne d’envies. Charles Aznavour n’avait jamais cessé de travailler, et de s’y remettre encore et encore jusqu’à devenir « indiscutable ».
Je l’ai parfois rencontré, il donnait l’impression d’être solide, sûr de lui comme un homme habitué au succès, habitué à être aimé, habitué à ce qu’on l’admire, pourtant il gardait l’œil vif, attentif au moindre détail, avec juste ce qu’il faut de susceptibilité pour rester humain.
Sa carrière avait débuté en 1946, alors, il faut dire qu’il en avait tellement vu ! Tant entendu.
Tendu, Charles était un roi en exil. Résident Suisse depuis ses démêlés avec le fisc français, il avait appris à compter comme ceux pour qui un sou est un sou, mais surtout, il faisait son métier de chanteur avec conviction. C’était un chanteur vraiment « populaire » dans la pleine acceptation du terme. Il voulait aider les gens à s’entendre avec eux-mêmes. Et cette conviction profonde lui avait permis de traverser les frontières, suivi fidèlement par ceux qui voyaient en lui le géant qu’il rêvait d’être pour contredire sa destinée de petit émigré.
Même s’il a bien sûr évolué et qu’il s’est maintes fois remis en question au long des années, je ne peux pas m’empêcher de penser à lui, comme on revoit toute une époque noir et blanc,quand la bohème signifiait quelque chose, comme le haut de l’affiche, ou la Mamma, c’était avant le rock ‘n roll , avant le digital et les hautes technologies.
Charles Aznavour écrivait au mot près, avec précision et rigueur. Et si ses musiques et les arrangements de ses chansons étaient souvent assez chargés, marqués par les timbres d’une certaine époque, néanmoins, la qualité de ses textes et le vibrato unique de ses interprétations, donnaient à son œuvre toute la grandeur et la noblesse qu’on accorde au mot « variété internationale ».
On le croyait immortel,
Pourtant si aujourd’hui, il n’est plus, il fait partie de ceux qui resteront à jamais dans la mémoire des millions de gens que, durant 70 ans de carrière, il a ému aux larmes.