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Confesse Book

276 – La démission de Nicolas Hulot passe mal

Le ciel est gris, on a perdu 15°. Il y a des matins comme des petites morts… On se lève un peu lourd, comme si on n’avait pas dormi. Est-ce le dîner de la veille ? Un mauvais rêve mal digéré ? En tout cas cette démission de Nicolas Hulot passe mal.
Je me souviens d’une longue discussion en Juin dernier avec un soi-disant écrivain jusqu’au-boutiste, le genre provocateur nihiliste qui se complaît dans l’amertume et théorise sans agir. Il balançait des crasses et des fions choisissant Hulot comme bouc-émissaire de ses frustrations. Je trouvais ça injuste.
– Les hommes politiques sont tous pareils, tous des lâches… Regarde Hulot !
– Tu peux pas dire ça, le mec est honnête…
– Avec ses bagnoles…
– Mensonge ! Intox ! Plus tu relaies ces faridondaines malsaines, plus tu donnes des arguments à ceux qu’il embarrasse.
– Ça ne sert à rien d’être dans un gouvernement si tu n’utilises pas ton pouvoir…
-Mais quel pouvoir ? Sous la 5ème République, seul le président prend les décisions d’orientation. Nommés ou révoqués, les ministres sont comme des superpréfets. Ils peuvent donner un avis, mais ils font surtout de la représentation ; leur seul vrai pouvoir est de démissionner…
Quand j’ai dit cela je n’y croyais pas.
La présence de Hulot, au milieu de ce gouvernement de financiers, était comme une garantie de leur bonne foi :
« La preuve qu’on sincère puisqu’on a cet écolo de la société civile parmi nous… à un poste important !
– Oui, c’est clair, on veut faire du fric, on s’en cache pas, on veut du cash ! On retire l’impôt sur la richesse bancaire… mais pas sur la propriété,
– Sans oublier de cirer les pompes des grands patrons d’industrie, (ceux qui nous ont soutenu)
– On est dynamiques, on fait des réformes qu’on déforme au passage.
– On gère méchant les finances publiques: diminuer les dépenses de santé (eh on est jeunes, on s’en fout) et pareil pour les retraites, (rien à péter, on en est loin nous-mêmes),
– On presse les dindons des classes moyennes, les cadres et les fonctionnaires aussi tant qu’à faire….
– Mais par contre on augmente le salaire des ministres…
– On stimule les entrepreneurs quadras prêts à prendre tous les risques pour s’élever dans la hiérarchie, on leur fait des promesse et on leur parle de nouvelle technologie, et ça les fait bander…
– Et puis pour un oui pour un non, on invite la mèche peroxydée, justifiant cette complicité toxique sous le terme de « diplomatie »,
– Assis sur ce trône tout neuf, on sait soigner la com. avec des sourires; et en cas de problème, on noie le poisson avec du baratin et des mots venus de nulle part….
Mais de tout ça, on ne se cache pas, on l’a toujours dit, et pour vous prouver qu’on a de bonnes intentions, regardez la preuve: on a Hulot ! »

Et moi, un tantinet crédule, je me sentais protégé par lui, comme un promeneur sous une cape imperméable ; tu sais, ces feuilles en plastique transparent, qu’on appelle des ponchos et qui t’évitent juste de te faire tremper quand il pleut des emmerdes.
Certes, j’étais conscient que cet ancien journaliste, assimilé au monde politique, était surtout là pour servir d’alibi à ceux qui l’avaient nommé ministre de l’Ecologie. Il le savait lui-même, lui qui avait antérieurement refusé de cautionner deux autres présidents… Comme cette fois, il avait accepté le poste, on pouvait imaginer qu’il avait reçu des garanties…

Très vite, il a dû comprendre qu’il s’était fait lui aussi rouler dans la farine. On lui demandait d’entériner des décisions contraires à son éthique, et après l’avoir humilié en conseil des ministres avec des décisions sans appel et des prolongations abjectes de droits en faveur du glyphosate notamment, on l’envoyait distraire l’opinion à l’Assemblée avec des discours sensibles, à fleur de peau pour défendre la biodiversité ou le dernier rhinocéros blanc.
N’empêche qu’à son crédit, il faut admettre qu’il a su obtenir l’annulation du projet de aéroport de Notre Dame des Landes, – ce qui lui a valu, dans les semaines qui ont suivi, de voir jaillir de nulle part une affaire bidon de harcèlement avec une cinglée en guise de protagoniste, juste histoire de le déstabiliser -. La politique se fait à coups de poissons d’Avril et de couteaux dans le dos.

On savait qu’il ne pouvait pas tout faire mais les impatients lui reprochaient son manque d’efficacité. Moi, je me disais : tant qu’il est là, c’est comme la caméra de vidéosurveillance d’un parking souterrain ou d’un centre commercial, ça n’empêchera pas les problèmes, et pourtant… Comme les armées de l’ONU qui n’ont le droit de rien faire en poste sur des territoires occupés mais qui pourtant obligent les belligérants à modérer leurs assauts.
Hulot au gouvernement, c’était quelque chose comme une présence amie au sein d’un essaim de cyniques élevés dans la froideur des classes de l’ENA, ces théoriciens avides de diriger leurs semblables en appliquant des schémas d’école.

Alors oui, ce matin est comme une petite mort. Je me réveille en pensant qu’on est repartis pour un automne de mensonge dans une société polluée, sans filtre.
Aliénés, sans garde-fou.
« En marche », tu parles oui, à reculons!
Un pas en avant et trois en arrière.

CharlElie Couture
Août 2018.