Bon, eh bien puisque je vois que l’information est désormais officielle, je vais le dire à ma manière.
Oui, c’est vrai, me voilà donc de retour sur l’autoroute. Après 18 ans passés sur les chemins de traverses, à sillonner les départementales, parfois les nationales, mais aussi les sentiers vicinaux, je viens d’embarquer à bord du grand semi-remorque Universal / Mercury. Disons que je n’en suis encore qu’au péage, mais on sait où l’on va. Le planning est précis, la date de sortie est fixée au mois d’Avril, Benjamin Biolay aux commandes, les musiciens convoqués etc. On va faire du bon boulot!
Sur une Major, et alors? L’expérience de super disques pour des petits labels manquant d’influence, m’a un peu refroidi.
J’ai rencontré des gens comme je n’en avais pas vu depuis longtemps, motivés comme à la belle époque. En trente ans, ce métier dans lequel je suis rentré un peu par hasard, a beaucoup évolué. Ça fait un bail que la période des bains de blé est révolue… Aujourd’hui les « médjors » doivent aussi se battre pour survivre. Ceux qui s’enrichissent grâce à la musique, sont ceux qui exploitent sa virtualité ( à commencer par Itunes qui encaisse des sommes folles et qui ne reverse presque rien à la création. Ça ressemble à un scandale, mais bon… apparemment ça ne choque personne.) Pourtant il faut bien trouver le financement pour payer les studios et les musiciens, non? Ceux qui bossent à l’œil sont des amateurs, quelques fois très doués mais qui, exerçant une autre profession pour subvenir à leurs besoins, ne sont pas toujours disponibles. Du coup, tout devient difficile, et très long à finir. La gratuité et les efforts demandés aux copains, c’est possible, jusqu’à un certain point…
Anyway, j’ai rencontré des gens passionnés qui m’ont convaincu. J’ai retrouvé en eux l’esprit des directeurs artistiques qui donnaient à la musique la richesse de la diversité qu’elle a perdu quand les cyniques guerriers du marketing sont arrivés au milieu des années 90.
A ce moment-là, quand la musique a commencé à être distribuée dans les grandes surfaces et quand la publicité télévisuelle a été autorisée, la production musicale s’est lentement mais sûrement uniformisée. Les stratèges financiers sortis des grandes (ou petites) écoles de commerce, ont appliqué à la lettre des systèmes de fonctionnement économique rigoureux, imposant à la musique des taux de rentabilité terribles.
Mais, contrairement aux idées reçues, en musique (et dans l’Art en général) les succès sont imprévisibles. Il y a beaucoup plus de facteurs variables pour faire partager une œuvre d’émotion que pour vendre des yaourts ou des pâtes.
Même si la musique populaire peut être considéré comme un « objet culturel à diffusion industrielle », elle n’est pas pour autant un simple produit de consommation périssable.
Une chanson crée un lien entre le cerveau et le cœur, (et réciproquement).
Une chanson peut aider à vivre, à traverser des moments difficiles, ou accompagner des célébrations. Une chanson ou un air de musique est une référence dans le temps, elle permet de se situer. La musique permet d’atteindre une communion qui donne aux individus isolés, la sensation qu’ils font partie d’un tout.
Comme dans les stades où l’on partage un même moment d’émotion sportive, ce sentiment de chaleur qu’on ressent quand une foule partage le même refrain comme un hymne ou un même souvenir, ce sentiment d’universalité qui dépasse les clivages raciaux ou culturels ne peut pas se calculer à l’avance. Il se fait de façon magique, intuitive et aléatoire.
Même si la part de la communication est essentielle pour permettre d’atteindre ceux auxquels on s’adresse, on ne peut pas en aucun cas résumer le succès d’une chanson, d’un livre, d’un film à une simple posture scandaleuse provocatrice ou à la couleur d’un rouge à lèvre.
Bref, je remercie ceux qui ont réservé mon billet, (je ne peux pas tous les nommer, mais ils savent que je pense à eux), me voilà embarqué dans le grand paquebot d’Universal / Mercury, en partance vers cette nouvelle aventure outr’atlantique !
® CharlElie – New York – Décembre 20XIII