Pour ceux qui ont vu les posts sur Instagram, je confirme : okey, okey, cette fois c’est fait, la « key » est sous la porte de feu mon atelier. Mes vieux pinceaux embarqués direction la décharge avec ces matériels, liquides, teintures et peintures inflammables que j’utilisais depuis des années. Tout ça dans des sacs et des cartons, avec en plus le bois des meubles démantelés qui m’accompagnaient où que j’aille. Le genre de bonus qui fait plaisir aux bricoleurs, les déménageurs ont été ravis de pouvoir récupérer une dizaine d’outils électriques (scies, rabots, ponceuses, une tamponneuse, une meuleuse de précision, … ) tout ça en bon état de marche mais dont les prises et le voltage en 120 volts ne permettent pas l’usage en Europe : (moins une visseuse – la plus belle- que quelqu’un s’était déjà appropriée la veille. Les vols sont suffisamment rares ici, pour qu’on s’en offusque quand ça arrive. Mais bon, j’espère que celui qui l’a prise en fera bon usage.)
La pièce est vide. Je n’y ai laissé que des souvenirs, un frigo et deux tréteaux qui peuvent être utiles à mon successeur…
Depuis plusieurs années, ce building de cinq étages dans East Harlem est à vendre. Apparemment les investisseurs / propriétaires ont choisi de continuer d’attendre. Demandent-ils un prix supérieur à la valeur moyenne du square foot dans le quartier ? Je ne sais pas, c’est leur affaire, et pour la vingtaine d’artistes qui travaillent là, les conditions précaires étaient juste parfaites pour laisser libre cours à la création.
Pendant les trois ans que j’ai passées là, j’ai fait des choses comme nulle part ailleurs et j’ai pris beaucoup de plaisir à partager humeurs, inquiétudes, joies et points de vues sur l’Art, la politique et divers autour de la table commune, en buvant un café homemade, un thé vert, le temps d’un break. J’ai retrouvé là un esprit de communion parmi ces artistes rencontrés là, eux-mêmes venus du Japon, d’Uruguay, des USA, de France, ou d’Australie…
Mais la gérance de l’immeuble a changé semble-t il, qui demandait de signer un agrément et surtout qui augmentait les frais. Vu que depuis un an, pour moultes raisons dont j’ai déjà parlé, je passe désormais plus temps en dehors des USA, j’ai décidé de faire appel aux bras des déménageurs…
Rien n’est jamais « for ever ».
Depuis 2004 j’ai eu cinq ateliers. Dans chacun d’eux, j’ai trouvé ce qu’on appelle « l’inspiration ». Même si ce dernier studio au second floor n’était pas le plus spectaculaire, j’’y ai néanmoins fait des choses qui m’ont permis de franchir une marche de plus.
Chaque atelier a eu son histoire, et dans chacun d’eux j’ai fait des choses particulières, différentes à chaque fois, nées de l’énergie si particulière à New York, une sorte de vibration électrique incessante, un mélange de tension et d’excitation, de joie et d’angoisse, d’ambition jamais assouvie et de progrès personnel.
Bon pour être totalement honnête que je dois avouer humblement que la richesse intérieure qui j’ai acquise ne profitera malheureusement pas vraiment au fisc… Eh, j’admets sans honte que je fais partie des milliers d’aventuriers qui n’ont pas « fait fortune » à Manhattan. Mais je ne regrette rien car, je ne venais pas vraiment pour ça et j’ai trouvé par contre d’autres pépites qui ont autant de valeur à mes yeux, à savoir les réponses aux nombreuses questions que je me posais en arrivant i à New York il y a quinze ans. (…)
Et toutes les histoires, toutes ces expériences que j’ai vécues ici, ont définitivement changé ma vie, en lui donnant un relief qu’elle n’aurait jamais eu si j’étais resté en France dans un confort plus sage et plus raisonnable
Quinze ans plus tard, je ne vois plus la France de la même manière. D’abord parce qu’elle a changé, et parce que mon regard aussi est différent.
Alors c’est vrai, en rendant les clés de cet atelier, c’est certes une page qui se tourne,
comme la fin d’un chapitre,
mais ça ne signifie pas encore la fin du roman…
J’ai désormais d’autres choses en tête,
Ces choses qui me font rêver
Tout éveillé…
Il est tard, cette nuit mais j’ai…
« Même pas sommeil. »
CharlElie Couture
20 Juillet 2018