– C’est quoi cet appareil ?
– Un climatiseur… Je veux dire un bloc-aérateur… Plus précisément un ventilateur-ioniseur…
– Ça fait quoi ?
– Je ne sais plus exactement. À priori, ça ionise.
– c’est à dire…
– Sa fonction est théorique, virtuelle, c’est un peu une légende. J’avoue, je fais partie des gogos qui se sont juste laissés convaincre par un rêve d’ions. Tel un générateur de confettis, cet appareil était supposé fabriquer des ions à la pelle (…) et diffuser lesdits ions dans l’atmosphère. C’est vrai qu’aujourd’hui plus personne ne parle de ça. Certaines idées publicit’air envahissent l’air. Comme les modes. De même aujourd’hui on entend beaucoup parler de ces gens qui marchent pieds nus pour se remettre en contact avec l’énergie du sol, alors que les semelles, t’isolent du sol, de même à l’époque, en s’appuyant sur des données dites « scientifiques », cette pub didactique démontrait par A plus B que plus tu te gobergeais d’ions, plus t’étais en forme. Une histoire d’équilibre électrique entre les forces magnétiques produites par la terre et ton énergie intérieure.
– Ah ouaiais, trop fort !
La démonstrat’ion faisant appel à l’imagin’air. C’était improbable mais possible. Pour ne pas passer pour le sceptique de service, je me suis laissé convaincre par ce baratin de camelot. Qu’est ce que je risquais à essayer ? Beaucoup de croyances te disent qu’il faut d’abord t’abandonner à elles pour en ressentir les bienfaits. Ah, oui ?! Donc en gros : il faut y croire pour y croire ! Trop fooort !!
– Alors le résultat?
– Ben euh. J’ai placé l’appareil comme on le conseillait dans la chambre au pied du lit. La première nuit, j’ai eu du mal à dormir parce qu’un ronronnement inutile envahissait ma nuit. Ça me stressait un peu mais je me suis persuadé que le bruit correspondait à la fabrication des ions… Au réveil de la seconde nuit, ce courant d’air m’asséchait les sinus. Alors je l’ai coupé après la 3ème. Mais je ne pouvais pas admettre l’inutilité de l’appareil, alors je le laissais fonctionner dans la chambre fermée pendant toute la journée et je l’éteignais au moment de me coucher. Pourtant après un mois, je n’ai pas constaté de grands changements d’humeur, alors plutôt que de climatiser une pièce vide, je l’ai abandonné là où tu le vois aujourd’hui. Il n’a pas bougé. Ça fait dix ans qu’il ne « turbine » plus. Il semble vouloir se faire oublier, ne surtout pas attirer l’attention. Il a peur, je pense. Il craint d’être envoyé s’échouer parmi les vieux ordinos au centre des déchets dans la cage de bric-à-brac industriel obsolète. C’est vrai qu’il fonctionne encore, mais quoi ? Doit-on garder les choses éternellement, juste par pitié ?
Même si elles sont entrées par effract’ion, on a du mal à jeter les choses qui ont accompagné notre vie. Quand on s’est habitué à elles, on a des scrupules à les envoyer se faire recycler ailleurs.
Le dénommé Saints Thomas ne croyait que ce qu’il voyait, pourtant on ne peut pas se cantonner à l’apparence des choses.
Lamartine évoquait l’âme des objets. Heureusement qu’on a tous en nous une part de naïveté qui nous pousse à croire à l’invisible.
Mais atent’ion
Aux Illus’ions.
CharlElie
Mai 2018