Pour certains le « luxe » c’est du bling bling mais le mot vient du latin « lux » qui veut dire « lumière ». L’Art est un luxe quand il vous éclaire de l’intérieur. Et c’est bien l’Art qui a inspiré les mots que m’a dit celui qui m’a convaincu d’aller visiter à mon tour l’incroyable exposition qu’il avait vue à Venise cet été : Wreck (le naufrage) ou les trésors sous-marins de Damien Hirst au Palais Grassi en bordure du grand canal.
Alors une heure et demie de vol plus tard, quel veinard, j’étais à Venise, Venezzia, Venice dans cette ville où tout est si beau qu’on ne peut pas rater une seule photo. Le GPS à la main (ou pas), je suis allé me perdre dans le dédale des rues étroites entrecoupées de petits ponts, et je m’y suis retrouvé devant une expo de photos de Gérard Rancinan, et puis à la Biennale d’Art contemporain, ou devant un buste enchâssé entre deux pierres moussues, devant les machines de Léonardo da Vinci, devant les fresques d’une église baroque ou au milieu des pigeons apprivoisés de la place San Marco. Couleurs ocres et terres de sienne, ferronneries rouillées et crépis repeints, canaux vert foncé aux algues dansante ; des petites histoires de la grande Histoire que tu me racontes dans les intonations de ta langue chantante. Et des grappes de masques de carnaval en vitrine pour touristes internationaux déambulant sans but. Et nos diners gourmands, cafés créma, spritz et limoncella. Regards amoureux dans une « osteria » avec Davide, Alessandro, Luigi et Laura… Voir défiler dans le ciel toute la mythologie du voyage et des fêtes. Jusqu’à la brume du petit matin sur un vaporetto chargé…
Et puis donc, cette exposition de Damien Hirst, fascinante, à la fois suggestive et puissante. Cette exposition qui a certes coûté très très cher à produire, mais qui le vaut bien comme on dit. Un expo qui traite du mythe de l’invincibilité, mais aussi de l’angoisse, celle de notre disparition future. Les sculptures qu’il a réalisées ont été plongées pendant des années dans la mer et les coraux se sont incrustés à la surface des marbres, des bronzes ou des pierres que l’artiste a immergées.
L’Art ce n’est pas seulement un artefact, c’est avant tout ce qu’une œuvre suggère à l’esprit.
En l’occurrence, la beauté est à la rencontre de nos fantasmes. Le géant démon de Damien présenté à Venise est à la fois un monstre et un dino-homo. Si dangereux qu’il paraisse il invente une légende faisant croire que la statue a séjourné sous l’eau comme le colosse de Rhodes, créée par Charès de Lindos vers -292 av JC et qui fut renversée par un tremblement de terre.
L’immense statue de Damien Hirst, justifie qu’on se déplace pour venir la voir, mais les autres pièces sculptures présentées valent elles aussi leur pesant de fantasme.
Et le public très nombreux ne s’y trompe pas. Qu’il soit jeune ou « habitué » aux musées, les milliers de gens qui défilent s’en prennent plein la tête en passant par les yeux !
Une vraie réussite ! Un trait d’union quasi universelle à travers l’Art et la beauté au milieu d’une période si désunie…
Oct 2017