Jouer juste une pièce de théâtre qui s’intitule « Fausse note », merveilleux paradoxe…
J’avais reçu plusieurs messages de spectateurs qui l’avaient vue cet été en Avignon, les critiques étaient bonnes, j’avais hâte de me faire ma propre idée. Alors je suis allé voir hier la pièce de Daniel Caron qui vient de démarrer au Théâtre des Mathurins à Paris. Dans ce cas, le « bouche à oreille » avait raison…
Le pitch: Après un concert à Genève, un grand chef d’orchestre est approché dans sa loge par un « fan » dont la personnalité s’avère beaucoup plus complexe, mystérieuse, et dangereuse que celle d’un chasseur d’autographe. L’homme semble tout connaître de la vie du musicien au passé trouble et dont la carrière pourrait bien changer ce soir-là…
Au-delà du sujet de la pièce écrite avec une incontestable élégance, le duo d’acteurs qui l’interprète a été parfaitement casté. Les deux font la paire. Taillé au couteau dans une sorte de raideur naturelle, Christophe Malavoy n’a pas d’âge. On ne sait pas d’où il vient. Et c’est vrai qu’on l’avait un peu perdu de vue, lui que le cinéma a injustement oublié ces dernières années. Il campe là un personnage tenace et déterminé qui ira jusqu’au bout de son projet de représailles, habité par une colère froide et douloureuse qu’il porte comme une veste rayée en hiver…
De son côté, Tom Novembre laisse échapper certains des démons qui l’habitent, et ce rôle grave prend tout son sens, vibrant et émouvant de sincérité dans le timbre de cette voix incomparable de baryton basse. C’est un régal de voir Tom interpréter avec une parfaite ambiguïté ce musicien à la personnalité double, et quand on connaît un acteur -comme on peut connaître un frère-, certaines intonations entrent en résonance avec des souvenirs familiaux…
Autant l’un que l’autre, autant Christophe Malavoy que Tom Novembre se régalent des mots que l’auteur a écrit. Il s’agit d’une histoire de vengeance certes, mais pas seulement. Les thématiques et concepts abordés sont nombreux : le rôle du père, de l’autorité, de la soumission, la cruauté ou l’envie d’idéal et de perfection, chacun peut y retrouver une part de ses propres interrogations existentielles.
La logique de la mise-en-scène que l’auteur a partagée avec Christophe Luthringer, est fluide simple et très efficace, composée avec juste ce qu’il faut d’assonance et d’harmonie comme une musique de nuit à la pleine lune. Allant de surprises en rebondissements, de cette intrigue dramatique on continue d’entendre les répliques une fois le rideau tombé, comme l’écho d’une musique intérieure inoubliable sur la portée de notre conscience.
« Fausse note », un bel accord en vérité.