Ce matin, il faisait beau, je me sentais fort, capable d’affronter la nostalgie, alors je me suis mis à l’épreuve posant sur ma platine un disque de Frank Sinatra ! Que dis-je: un best of, des tunes triées sur le volet…
Ça vient de se terminer. La pièce a repris ses proportions «normales». Je me suis tourné vers la chienne assise dans mon dos, je lui ai demandé ce qu’elle en pensait, mais ou bien elle n’avait pas d’avis ou bien, diplomate, elle ne voulait pas se prononcer. Juste contente que je m’adresse à elle, elle s’est mise à battre la queue avant de s’en aller aboyer dans le jardin, pour faire savoir au monde qu’une vache (quelle que soit sa taille) n’est pas prête de l’impressionner… de l’autre côté de la clôture!
Pour en revenir à Frankie, soyons honnête: si l’apparence black & white des photos le représentant l’air malin sous un petit chapeau habillé de costards cintrés, si ce look élégant serait aisément adaptable à ce qu’on voit encore aujourd’hui dans les milieux d’affaires,
Si aussi son histoire de vocaliste acoquiné avec les mafieux inventeurs de l’ineffable foire au gaspi qu’on appelle « Las Vegas », si cette acquaintance complice peut aujourd’hui encore alimenter l’imaginaire de scénaristes excités par les bios aussi troubles que discutables,
Si sa « the-voice » suave merveilleusement maîtrisée a toujours le charme efficace du sirop sucré sur une muqueuse enflammée,
Il n’empêche que question musique, les arrangements hyper sophistiqués de chansons dont le sens n’est bien sûr à considérer que comme un lubrifiant dans le moteur d’une Amérique de l’après-guerre défoncée par les illusions / délire que provoquait le sentiment de surpuissance économique se nourrissant de la gabegie d’un capitaliste ascensionnel, consommateur et atomique,
Les arrangements disais-je composés suivant les règles strictes d’un maniérisme harmonique dont l’effet sur les tympans pouvait être comparable à celui produit sur la peau par les tissus synthétiques 100% nylon dans lesquels on suait sans fin,
Arrangements oui, qui vous enveloppaient comme les volutes de cigares cubains, (que certaines mauvaises langues critiques ont considérés comme des serpents constricteurs broyant la conscience des auditeurs)
Musique donc, qui utilisait tous les trucs, astuces et clichés possible inspirés par l’esthétisme d’une époque guindée dans la seule intention de satisfaire les goûts d’une population WASP triée sur le volet,
Oui en 2017, il faut bien admettre que ces bluettes ont autant vieilli que l’idéologie sectaire et ségrégationniste qu’elles se trouvaient véhiculer.
Juillet 2017