Je suis allé à la Philharmonie de Paris visiter « Jamaïca Jamaïca » une expo qui présente un bric à brac de trésors et d’objets pour les nostalgiques d’un certain reggae né dans les années 60. On y voit des consoles à lampes, des gros boomers, des instruments de l’époque, basses, guitares et percus, des instruments électriques et premières boîtes à rythme, pédales d’effet, synthé et orgue hammond, tout ça regroupé, amalgamé dans une sorte de dédale où l’on peut s’amuser à s’extraire du temps.
Les fans découvriront des peintures originales ayant été faites pour les couvertures de disques célèbres, aux murs des films documentaires comme celui qui fut tourné à l’occasion de la venue du Négus Haïlé Sélassié, lui qui deviendra l’icône de la culture Rasta, mais aussi des images de concerts de Marley, Peter Tosh ou même de ce gnome de Lee Scratch Perry, Dali à Dreadlocks, inventeur du Dub…
Il y a beaucoup d’images, des photos d’époque qui témoignent de la ferveur et de l’engouement que cette musique a engendré quand elle s’est emparée de l’île, dont la connaissance s’est propagée dans le monde entier, véhiculée par les hits de cette musique populaire, fondée sur un principe de boucles itératives s’appuyant sur l’after-beat. Sauf que le reggae, sa danse et ses transes sont aussi indissociables de la ganja, l’herbe, la beuh, la marijuana que l’air et le ciel, que la vague et la mer, un palmier et ses palmes.
Pourtant dans cette expo officielle bien-pensante, on a le sentiment que l’aspect cramé de cette musique flyée a été oublié, effacé, neutralisé, estompé, de peur qu’ON leur reproche d’avoir donné envie aux visiteurs de griller un joint à la sortie.
Jah m’est témoin que le monde devient de plus en plus crétin. S’obliger à la réserve, se contraindre à la retenue pour pas choquer les familles, c’est comme vouloir séduire en gardant des mouffles, des bottes et un préservatif trop grand ou supprimer l’alcool des textes de Edgar A.Poe, Bernard Frank ou Bukowski, nier l’érotisme des œuvres de Mappelthorpe, Henry Miller ou Rubens sous prétexte que ça qui pourrait être mal vu par les ligues puritaines, ou donner à analyser la musique de Bach à des athées…
I shot the Sheriff.
Allez, cool man, j’me dis, relax, t’énerve pas, mon frère, ouais, cool, quoi tu vois « Jamaïca Jamaïca » qu’à cela ne tienne, profite du soleil, après tout, man wéh tu vois, il reste la musique !
Philharmonie de Paris- Porte de la Villette. 221 Avenue Jean Jaurès.