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Confesse Book

209 – Sous le pavé…

Fut un temps, le tournoi de Roland Garros avait quelque chose à voir avec l’Art. Enfin du moins la direction demandait-elle à des artistes de concevoir une affiche icône qui servait de référence visuelle. Quelques fois on pouvait penser que l’auteur aimait le sport qu’on lui avait demandé d’illustrer, d’autres fois c’était carrément n’importe quoi, mais à la limite, quelle importance? Ce qui comptait, c’était une espèce de complicité, entre une émotion et une action, entre l’esthétique et la pratique.

Je n’ai pas suivi les choses dans le détail, mais il me semble qu’un glissement s’est opéré depuis quelques années. La communication du tennis s’inspirant de celle du sport en général (à commencer par le foot…), est allée petit à petit vers une communication d’impact, un truc populaire, populiste soit un message simple, direct avec une intention immédiate.

C’est ce qui se passe quand les marketing people et les économistes commencent à se mêler de création, arguant du fait qu’ils paient pour donner leur avis, et dire aux créateurs ce qu’il faut faire. Vu qu’ils sont tout sauf des imaginatifs, ils n’ont aucune vision, et c’est là que commence le début de la tristesse.

Quel que soit le domaine de l’activité humaine, que ce soit l’agriculture, la politique, l’économie ou la culture, quand on cherche une efficacité, une rentabilité à court terme, on court à sa perte. On appauvrit les terres en faisant de la monoculture, en remplaçant la forêt primitive par des immenses étendues d’eucalyptus. C’est la diversité qui assure la durabilité. On peut penser que pour la Communication c’est pareil.

Si on veut captiver, un auditoire, il faut oser laisser des plages de mystères, de spéculations mentales, d’in-contrôle et de non-dit, sinon, très vite on se fait suer.Dans le monde d’aujourd’hui, on pleure de se faire gaver d’évidences à 20 balles. Les explications sont peut-être bonnes à donner sur les bancs de l’université, mais en dehors, personne n’aime les donneurs-de-leçon.

Cette année, alors que l’affiche du brésilien Vik Muniz est du même acabit que celles des années précédentes, il semble que la direction du tournoi ait choisi de s’en passer, puisqu’ils ont diffusé partout sur les bus et panneaux d’affichage, une autre image à chier intitulée : « Sous le pavé, la terre ». Exactement l’exemple de ce qu’il ne faut pas faire ! Oh, ce n’est pas tant le concept de cette pub serait embarrassant, mais la qualité de l’image est tellement fade et sans relief que c’en est honteux. Pas d’idée. Pas d’effort. Une démission de l’esthétisme par pure ignorance. Au profit de quoi ?

Bah, pourquoi s’énerver? On peut légitimement penser qu’il y a des choses autrement plus graves ailleurs… Bien sûr, et d’ailleurs puisque les communicateurs artisans de cette campagne imbécile pensent que la forme n’a aucune importance, pourquoi chercher à les contredire ?

Ils n’ont pas eux non plus la moindre importance.

Quelle importance ?