Le 26 février sera une fois de plus la date anniversaire de ma naissance… tu me demandes si « ça va ? » et je ne sais pas bien comment te répondre ?
Réponse 1 : – D’abord, peut-être que tu n’attends même pas de réponse, tu veux peut-être juste que je dise « oui » sans autres forme de commentaires…? Peut-être que c’est une simple formule de politesse mais surtout, tu ne veux pas en savoir plus ? Mais conviens au moins que cette réponse « ça va » est aussi plate qu’une savate.
Réponse 2 : – Disons que j’ai rarement le sentiment d’avoir atteint mes limites. En utilisant le conditionnel, ça « pourrait » aller mieux, car ça peut toujours aller mieux, ce fameux « mieux » théorique dont la valeur est subjective.
En fait pour être honnête, certains jours obscurs, ça va juste assez pour ne pas envisager de me suicider. Quand l’horizon se bouche, quand « les autres » s’imposent comme des caricatures ou des démons grotesques, quand l’administration impersonnelle ou quand les « systèmes » ignorent ce que je suis, quand les vues d’un monde réaliste, pragmatique/matérialiste prennent l’ascendant sur mes utopies et autres mes espoirs adolescents, alors là carrément, ça ne va pas.
Tant que j’y crois, « ça va », quand c’est sans issue « ça va plus »!
« Alors ça va ? »
Réponse 3 : – Je ne sais pas si « ça » y va, mais moi en tout cas, j’y vais ? Où? Là-bas, plus loin.
Comme tous les curieux, je me dis que je POURRAIS être ailleurs,
Comme tous les insatisfaits, je serais bien ailleurs. Mais comme je ne suis pas QUE dépressif, alors parfois j’entends la petite voix qui résonne en moi et qui me raisonne pour me faire admettre qu’ « on est tous là où l’on doit être »…
– Et si l’on ne veut pas y être ?
Alors, il faut prendre son destin en mains, comme on monte sur une bicyclette, sur une moto, à cheval ou en trottinette, plein d’entrain en voiture, plutôt que se faire mener en bateau, il faut s’en aller voir ailleurs si on y est. « Vas voir là bas si j’y suis ! »
– J’y suis allé, ça tombait bien, j’y étais
Réponse 4 : – Grosso modo, tous comptes faits, on fait aller, comme les chevaux hâlant les péniches le long des canaux. Non, j’exagère dans l’ensemble, en gros, oui ça va. C’est juste assez contrasté, je passe du « up » au « down » en quelques minutes.
Réponse 4bis: – Si certains jours « çava-çava », d’autres jours, ça va tout court ! Ces jours-là sont merveilleux. Un peu de réussite, ou un grain de poussière d’amour par exemple, retrouver la confiance en soi, il peut suffire de si peu de choses pour que ça aille. D’autres fois aïe, ça fait mal, on a froid, ça caille et quoi qu’on fasse, à pile ou à face, on se le prend en pleine face.
C’est rare qu’on aille ailleurs tout seul, on a toujours besoin d’un coup de pouce du destin. Alors en attendant que celui-ci se décide, il faut initier les projets, se mettre en branle tout seul, or plus on se sent lourd ou plus on veut aller loin, et plus ça demande des efforts intenses.
« Mais là, par exemple, je veux dire aujourd’hui, ça va ? »
Réponse 5 : – En gros « oui, ça va ». Et d’ailleurs le simple fait de poser la question, s’autoriser à se poser cette question est un luxe. Des centaines de millions d’êtres n’ont pas vraiment l’occasion de s’interroger sur leur état. A peine une petite lumière les empêche-t elle seulement de sombrer dans les ténèbres, l’Anima, le stress de survie, ce quelque chose comme le fil de l’araignée. Tenir, juste tenir, mais ces centaines de millions d’êtres n’ont ni le temps ni l’occasion de s’interroger sur leur confort de vie. Tenir, juste tenir.
« Peux-tu me dire si ça va ? »
Réponse 6 : – Je peux essayer de te répondre pour te rassurer, mais sache que moi spontanément, j’évite de me poser la question. Les hypocondriaques doivent faire un travail sur eux-mêmes afin d’oublier qu’ils sont malades, de même, je laisse dans son étui le thermostat qui évalue la teneur de spleen dans mon âme. La tête dans le sable, je m’enfonce dans le travail comme dans un bain de boue. Oui, j’agis pour éviter de m’interroger…
Réponse 7 : – Des vents ont poussé ma montgolfière loin de l’endroit où je voulais atterrir, j’essaie de rester zen, conscient des enjeux, me disant qu’il n’y a rien de pire que les regrets.
Réponse 8 : – Parfois je « V » et je fais la paix avec moi-même. Du coup je double le « v ». Oui je « W » comme « winner », « warrior », prêt à tout face à l’adversité.
Réponse 8bis: – Je vais et je vaincs
entre des riens,
(et je me reteins…
pas, vu que ça ne m’ennuie pas de me raser).
Réponse 9 : – Aujourd’hui comme la plupart du temps j’essaie de ne pas rester sur place, je me déplace, je Vais. J’erre de minute en minute. Je vais dans l’air, en suspension, porté par des courants d’énergies contraires, je me laisse faire… jusqu’à un certain point, celui où je me trouve. J’espère.
Chaque matin je saisis la corde et je grimpe la paroi escarpée de mon destin.
Réponse 10 : – « Oui » et même si ça ne va pas, je ne le dis pas, parce que c’est pas en disant que « ça ne va pas », que ça a des chances d’aller mieux, alors si tu veux savoir si ça va ? Alors oui, ça va.
Et toi, ça va ?
® CharlElie 2017