Paul Aussaresses est mort. Le général Aussaresses a enfin rejoint, à 95 ans le royaume des enfers. J’imagine que le diable vient de l’accueillir en ami…
Des milliers d’hommes et de femmes sont morts à cause de cette guerre « moderne » que Paul Aussaresses avait choisie de mener contre les insurrectionnels. Vexés, humiliés après avoir perdu à Dien Bien Phu, les paras Français furent envoyés en Algérie pour mater les rebelles du FLN. Mais pas plus que dans la jungle Indochinoise, ces militaires de carrière n’avaient d’opposants face à eux. A st Cyr on leur avait enseigné des tactiques et stratégies opposant des forces armées, mais rien ne correspondait à la réalité impondérable qu’ils avaient là en face d’eux. D’un côté les politiques et la population leur demandaient des résultats rapides, et de l’autre l’ennemi restait invisible. Alors pour savoir à quoi cet invisible ressemblait, les militaires tentèrent d’obtenir des renseignements par tous les moyens autrement dit: le « ren-saignement » à la gègène et torture psychologique. Une fois que le corps du malheureux avait été détruit, comme un objet cassé, plutôt que le réparer, on le jetait, lesté, à la mer; ce qu’on appelait « les crevettes Bigeard ».
Les méthodes des Français en Algérie furent décrites dans le livre du colonel Trinquier, intitulé « La guerre moderne » théoricien de la guerre subversive. Froidement, ce militaire membre du comité de salut Public d’Alger, à l’origine du dispositif de protection urbaine, défendait la torture comme un moyen d’obtenir des informations.
En 1962 Paul Aussaresses part enseigner cette méthode de torture à Fort Braggs, le camp de base des Bérets verts Américains avant la guerre du Viet Nam.
Dans les années 70, diffusant le concept des « escadrons de la mort », il s’installe au Brésil comme attaché militaire. Il se lie avec le général Joao Baptista Fagueiredo, alors patron avec Sergio Fleury du Service National d’intelligence (les escadrons de la mort Brésiliens).
On n’ose à peine penser ce qui s’est passé dans le centre d’instruction qu’il crée à Manaus en pleine jungle. Dans cet enfer humide, il « forme » des officiers Brésilien, Chiliens, Argentins et Vénézuéliens, qui participeront ensuite aux différentes juntes militaires anti-communistes, anti-socialiste, anti-gauchiste anti-rebelle, anti-terroriste, utilisant la torture et la disparition comme pratiques courantes.
30 000 disparus en Argentine, 3200 morts et 38 000 personnes torturées au Chili, à quoi on peut ajouter les victimes de l’opération Condor sorte de coalition entre les juntes d’Amérique du Sud envoyant des agents secrets pour poursuivre, enlever et tuer des dissidents politiques même à l’étranger, plus les centaines d’assassinats des Escadrons de la mort au Brésil, en Colombie, au Venezuela, au Salvador… ça fait un paquet de cadavres, démembrés, suppliciés, dépecés.
Avec la disparition de cet ancien général parachutiste qui fut aussi vendeur d’armes, pourtant rien ne disparaît. Non ! Et ce n’est pas parce qu’il a reconnu l’existence de ces faits innommables que les choses s’effacent. Pourquoi aurait-on droit à l’oubli pour des crimes idéologiques ? Le voilà dans sa tombe aujourd’hui, mais qu’il ne repose pas en Paix, non. Que le vent glacial de la mort qui a éteint sa conscience borgne, continue de lui faire entendre jusqu’à l’éternité le grondement sourd des peines et souffrances qu’il a injustement causées. Combien de cris de douleur ! Combien de pleurs ! Combien d’horreurs ! Combien d’ongles cassés, des prisonniers grattant les parois de leur geôle ! Combien de sexes brûlés, de vagins défoncés par des sadiques qui prétextaient agir au nom de causes nationales légitimes. L’Amnistie est un placébo d’Etat qui permet politiquement à moindre frais de cautériser une plaie civile…
Quand j’étais enfant, j’ai vu sur le corps de mon père, dans sa chair, sur son crâne défoncé à coup de matraque, dans son dos les brûlures des cigares, j’ai vu les cicatrices qu’avaient laissé les tortures qu’il avait subies quand il fut arrêté par la Gestapo qui tentait d’obtenir des renseignements sur son réseau de la Résistance. Je me suis toujours demandé comment j’aurais moi-même agi sous la torture.
Massu et comparses, avait aussi connu la guerre. Je n’ai jamais compris que ces hommes qui avaient vécu l’oppression Allemande qu’ils avaient même combattue parfois courageusement, comme ces soldats avaient pu choisir de recopier ce modèle pourri de la torture, et l’ édicter en méthode raisonnée.
Paul Aussaresses se fit bourreau puis formateur de bourreaux, paranoïaques et sans pitié obéissant aux ordres ou choisissant de faire tant de mal au nom d’une certaine idée du « bien ».
Même si certains ont reconnu après coup leur erreur épouvantable, faut-il à ce prétexte accorder au tortionnaire le pardon pour le salut de leur âme ? Jamais de la vie, que tous les salauds se retrouvent ensemble, et qu’ils aillent maintenant saluer le Diable !
Pour plus d’info, sur ce qui fut fait par lui et ses acolytes…, regardez le très bon documentaire de Marie-Monique Robin qui date de 2003 dans lequel ledit Aussaresses intervient, parmi d’autres tortionnaires.
http://www.youtube.com/watch?v=H2RMupIdvsQ
® CharlElie – 2013