A very long journey (8)
Levé à 4 heures, je bats le coq. La journée sera longue. A very longue journée. Dans ma tête les jours se confondent les uns aux autres.
Ange et Arielle s’occupent de nous, chargés par le Festival de nous conduire sur les sites. Musiciens autodidactes, ils jouent de la cora africaine sur un instrument qu’Ange a fabriqué lui-même. Ensemble à la ville comme à la scène, ils ont monté un duo. Grâce à Internet ils apprennent de nouvelles techniques sur les tutorials. Ange écrit des chansons qui parlent du passé de ses ancêtres ouvriers maltraités. Ils ont même gagné un prix. Arielle est comptable, Ange a 57 ans. Il a longtemps travaillé sur la côte d’Azur. D’abord dans le BTP, puis il a monté sa boite. Spécialiste des vérandas il a côtoyé des milliardaires à Monaco. Nés en Calédonie, de parents originaires d’Indonésie, ils sont revenus s’installer ici quand Ange a pris sa retraite.
– À 57 ans t’es déjà en retraite ???
– Oui enfin, je fais bcp de choses…
– Je veux bien le croire.
J’écris au calme.
Les autres apparaissent vers 10 heures. Je profite du piano acoustique installé dans la pièce principale, pour leur montrer quelques morceaux que je prépare. Pierre sort son violon, Jacques trouve une nylon, Karim prend ma Godin. On joue quelques heures…
L’après midi passe relax.
Après avoir décroché de la barrière, la cowbell dont on se servira sur « oublier », on part en fin d’après midi vers Fort Teremba. On parle peu. On se concentre. Jacques est un peu tendu.
Christian qui m’accueilli chez lui à mon arrivée à Nouméa est le clavier du groupe Botox. Arrivés sur place, je demande à quelle heure il joue ayant cru comprendre qu’ils faisaient notre première partie, mais ils viennent juste de finir. Mince, on aurait voulu les rater on n’aurait pas mieux fait.
Les Britons de Télégram envoient leurs messages confus dans la sono. Si c’est ça le nouveau rock Anglais… !?
Je me promène seul, histoire de sonder l’ambiance. Il y a beaucoup de monde, une bonne ambiance. Pas de violence. Un événement comme celui-ci est rare. C’est la 4ème édition, mais ils prennent de la hauteur. Il y avait des festivals de reggae, et puis « FamFunk », mais il n’y a jamais eu de festival de rock en Nouvelle Calédonie.
Pas un pet de vent, c’est l’été qui arrive dans l’hémisphère Sud. Il a fait très chaud cette après midi. Insolations et malaises. T’as beau chercher, il n’y a pas beaucoup d’arbres aux alentours.
Ça y est, les Telegram ont faxé leur dernier morceau. Leur manageur fait toujours la gueule (…) Un groupe Australien enchaîne sur la scène B.
Je relis une dernière fois mes textes quand on vient me chercher.
– On est prêt, patron, c’est quand tu veux…
Je me rapproche. On va monter sur scène. Tout le monde est là… ?
– Putain Jacques… Où il est ?
– Ben je ne sais pas, me dit Karim, justement on le cherche…
Enfin, on le trouve. Il fumait une clope, tranquille, devant la scène.
Shake hands. Monter les quelques marches et ça démarre, dés les premières notes sur les chapeaux de roues.
Je n’aime pas beaucoup écrire à propos des concerts, j’ai toujours l’impression de répèter la même chose. Pourtant, il y a dans un concert ce plaisir unique, d’échange dans l’instant, de partage et (éventuellement ) d’osmose, qui ressemble à « faire l’amour ». Reconnaissons que c’est toujours en gros le même scénario, la conclusion est aussi souvent « un peu » la même. Pourtant c’est aussi toujours « un peu » différent, et c’est ce « un peu » qui fait « tout » !
Ce soir, le type qui s’occupe des retours est un incompétent peu motivé. On dirait qu’il s’ennuie. Je lui fais des signes, mais c’est peine perdue, il ne me regarde pas. Quand enfin il met un peu de voix dans mes retours, ça part en larsen. Mais énervant mais en même temps, on l’a déjà vécu. Faudrait pas qu’en plus ça nous atteigne, même Féderer doit parfois servir quand le vent souffle. Quel que soit cet inconfort, chacun de nous sait ce qu’il doit faire, on est heureux d’être là, il faut toujours rester centré sur les essentiels. Fifi est en façade. Lui, c’est un pro ! Depuis 14 ans, on a pas mal bourlingué ensemble. Il connaît ma musique. J’ai confiance en lui. Je sais qu’il amplifie pour le public ce qu’on fait sur scène, et en l’occurrence, le courant passe bien entre nous… Karim Attoumane en virtuose devant de scène fait des solos de guitare brillants (que dis-je… « éclatants »), Jacques-Gavard-photographe assure avec un gros son de basse sur sa lourde Rickenbaker, Martin Mayer nous remet en place avec l’autorité des meilleurs batteurs, Pierre Sangra (violon et banjo)- et cowbell- donne aux arrangements ce quelque chose de particulier qui s’inscrira dans les mémoires. De mon côté, les mots me viennent sans que j’aie à trop souffrir des trous de mémoire qui sont ma hantise depuis quelques années… Moment de joie intense comme au meilleur des live fusionnels, on voit devant nous danser, bouger, réagir 2500 spectateurs venus de loin pour faire la fête. À la fois énergique et varié, ce muesli d’anciens et de nouveaux morceaux donne aux uns le sentiment de reconnaître des chansons-souvenirs, tandis que d’autres découvrent quelqu’un qu’ils ne soupçonnaient pas. Le temps a passé si vite. Une heure et demie bien tapée, et c’est déjà fini.
Manger un morceau en se congratulant, et rentrer à Bouraké.
On finit très (très) tard/tôt, l’esprit scotché aux étoiles de la nuit Océanienne. Les uns (et unes) sous la lune, mijotent comme des légumes en se relaxant dans le court-bouillon d’un jacuzzi installé à l’extérieur, tandis que la fumée blanche de cigarettes roulées s’élève jusqu’aux nuages. Et les langues se délient…
C’est à la Musique qu’il faut rendre grâce, elle qui nous permet de vivre ces instants magiques que je souhaite à tous de connaître un jour,
Ou peut-être une nuit…
® CharlElie – Oct 20XVI
PS :
Pour ceux que ça amuse, voici la set list des morceaux qu’on a joués :
01 – (On va) Déconner
02 – 30 years outside
03 – Annie (ma tit’ amie)
04- Baby Blue, I love you
05 – Tu m’as pas dit d’où tu venais
06 – Follow the line
07 – Under control
08 – Pochette surprise
09 – Debout dans la boue
10 – Blues for ever
11 – Un jour les anges
12 – Encore
13 – Maison soleil levant
14 – Oublier
15 – Comme un avion sans ailes
Rappel
16 – L’histoire du loup.