J’ai embarqué en fin de journée sur AIRCALIN.
– C’est un nom étrangement doux pour une compagnie aérienne.
– En fait c’est AIRCAL(édonie)IN pour les internationaux, AIRCAL pour les vols locaux. Vous aussi vous faites des jeux de mots.
L’hôtesse me tend un journal local des Nouvelles Calédoniennes. J’y apprends les inquiétudes des gens engendrées par la crise du nickel, principale richesse minière de l’île, et puis 500 « Zectares » détruits par le feu sur l’île au Pins, photos de rodéo et bull riding à la foire agricole de Koumac, et je lis un article sur une fusillade qui a fait 2 morts, 3 blessés par balle et un autre à l’arme blanche dans la tribu de Thu à Houaïlou, dans un conflit qui oppose le clan Bati au clan Kabeu. Un Bati aurait jeté des viscères dans la rivière où se baignaient des enfants Kabeu, lesquels en représailles auraient bloqué l’accès aux Bati, alors le ton monte l’un va chercher une hache, l’autre un fusil à 6 coups… Bref les news locales.
À mon arrivée, je réitère ma déclaration concernant ce bagage égaré et l’on m’offre en compensation, un « kit de survie » contenant un teeshirt, un peigne, une brosse à dent.
Rien à déclarer. Un douanier me demande néanmoins mon passeport :
– Vous ressemblez drôlement à…
– Comment ça « drôlement » ?
– Eh bien oui, c’est vous ! Qu’est-ce que vous faites tout seul à Nouméa ?
– Je viens jouer au Blackwoodstock Festival, mes musiciens arrivent dans deux jours.
– On peut se faire un selfie ?
Derrière les portes vitrées coulissantes, un groupe de gens m’accueille avec le sourire. Parmi les organisateurs qui m’ont invité, ils ont été prévenus de mon histoire de bagage. Je serai dans premier temps logé chez l’un d’eux, qui me propose gentiment de me prêter de quoi me changer. Je prends une douche.
On fait connaissance en buvant un coup. C’est l’hiver dans l’Hémisphère Sud. Il y a un fort vent d’Ouest frais sur la terrasse. Je devine des petites lumières au loin. En fait je ne vois plus rien. Un peu embrumé, j’essaie de garder le cap, mais j’ai la tête qui tourne. La journée s’achève enfin, je ne sais même pas quel jour on est.
– Lundi soir, me dit-on.
Mardi –
La journée commence par un coup de fil aux Fiji. La personne me dit que ma valise est arrivée, mais ils n’ont pas pensé la mettre dans le vol pour Sydney qui est déjà parti. Ce sera fait demain.
– Il n’y a pas un autre vol, pour Melbourne par exemple ?
La personne me répond qu’elle va se renseigner, mais j’entends bien dans le ton de sa voix que j’en demande un peu beaucoup.
La terrasse fait le tour de l’appartement situé en hauteur devant la Baie de l’Orphelinat. Avaler quelques fruits, et prendre la route pour le célèbre Centre Culturel Tjibaou dessiné par Renzo Piano, et voulu par le pouvoir Rocardien pour faire preuve de « reconnaissance » à l’égard de la culture Kanake.
Puis je vais faire une interview pour la radio « Océane », mini-break et Christian, mon hôte me conduit à une conférence de presse dans un hôtel dans la piscine duquel s’ébrouent quelques jeunes filles et jeunes garçons.
Assis à côté des membres du groupe japonais « 2nd Lady ». Je réponds docilement aux questions qu’on me pose ; celles-ci concernent mon activité d’artiste en général, autant musique que peinture. Une dernière intervention au journal télévisé, et ma soirée s’achève sous les palmiers, dans un restaurant du centre ville autour d’une assiette de fruit de mer servie par un grand « rae-rae » très sensible.
Et je me couche, encore plus décalqué que la veille…
(à suivre)
CharlElie – Nouméa – 20XVI