A long journey 2
(suite)
Le pilote a tenu parole : il a récupéré près d’une demi heure sur les pronostics. Si mes calculs sont bons, l’avion que je dois prendre ensuite est encore à quai quand on atterrit.
Mais le tracteur n’est pas là, lui qui doit nous tirer jusqu’à l’arrivée. Si le temps est élastique, dans ce cas tout semble durer long-temps. Voyant mon stress une hôtesse bienveillante m’indique l’itinéraire pour rejoindre la porte indiquée sur mon « boarding pass », précisant que le Fiji Airways été retardé de quelques minutes. Avec du pot, c’est encore jouable… Je me précipite dans les couloirs, ma guitare dans une main, et le sac à dos brinquebalant sur mes épaules. Je cours, comme je peux. Un mec énervé m’engueule, disant que je l’ai poussé et qu’il va me faire un procès. N’importe quoi ! Le monde devient fou.
Je crains de me perdre 10 fois dans les méandres qui mènent au terminal International, hanté par un souvenir vieux de dix ans dans lequel, tel un cauchemar, j’avais vu la passerelle quitter la porte d’embarquement à la Guardia, juste devant moi; et jamais ils n’avaient accepté de la faire revenir.
Finalement j’arrive porte B36. Ouf, l’avion est toujours là. Je ruisselle. Suis-je ce fameux dernier passager, celui que tout le monde déteste? En fait non, ce n’est pas pour me faire plaisir à moi que ce vol transpacifique a été retardé, mais parce que dans ce même avion que je viens de quitter, voyageaient aussi une vingtaine des membres d’un même clan accompagnant leur chef et femme de chef de tribu, protégés par des « bodyguards » que j’avais, je me souviens, croisés à JFK.
« Fasten your seat belt ! », nous voilà repartis pour onze heures en direction de Nadi / Fidji. Dans mon corps, il est 3H du matin, envahi par la fatigue, je me replie sur moi-même tel un escargot dans sa coquille, et j’essaie d’oublier mes angoisses en faisant des jeux de mots sur ma tablette.
Cette nuit n’en finit pas.
Ma voisine est une infirmière Californienne, qui vient passer 10 jours dans une mission pour enseigner aux femmes fidjiennes comment se faire des palpations mammaires pour détecter les cancers du sein…
Parti de New York le Samedi 24 à 18 heures, nous sommes aujourd’hui Lundi 26 quand on atterrit à Nadi à 5:30 du matin.
Mon prochain vol pour Nouméa n’est pas avant 16:45.
11 heures d’attente en transit. Je dois récupérer ma valise, mais…
Elle a beau avoir des roulettes et m’accompagner dans tous mes voyages depuis des années, ma valise n’a pas couru assez vite dans les couloirs, et sur le tapis roulant point de valise !
Quelle frustration! Quand tous les autres passagers s’en vont retrouver le monde, un sourire satisfait accroché aux coin des lèvres, tirant leurs affaires sur des roulettes, alors que vous restez penaud, les bras ballants le long du corps, à regarder les yeux vides un tapis en mouvement qui refuse obstinément de vous rendre vos choses à vous. Démuni, seulement vêtu de quelques affaires imprégnées de l’odeur du voyage alors, qui que vous soyez, vous ressentez ce que le mot « impuissant » signifie.
Je remplis le papier de réclamation.
On me dit que mon bagage arrivera par le prochain avion.
– Vous voulez dire que ma valise arrivera ici, à Nadi, demain matin ?
– Oui.
– Sauf que moi je vais à Nouméa!
– Aïe …
Je n’ai pas aimé la grimace qu’a faite la préposée aux colis égarés en disant :
– Nous sommes Lundi, vous prenez le vol de cet après midi, à 16:45, c’est ça ?
– Oui.
– Le problème c’est que, après, le prochain avion pour Nouméa n’est pas avant Vendredi… s’ils n’annulent pas le vol, parce que parfois c’est ce qu’ils font…
– Vous voulez dire que je n’aurai pas ma valise avant vendredi ?
– Si tout va bien.
…
(à suivre, donc).
® CharlElie – Sept 20XVI