A very long journey 1
(début)
Je ne suis pas monté sur scène depuis le show de Central Park et vu que je ne pars pas en tournée cette année, tous les concerts que je ferai seront en quelque sorte « exceptionnels ».
Cette fois, c’est une double exception car, je vais en même temps découvrir la Nouvelle Calédonie invité à jouer au festival Blackwoodstock à Nouméa. Je n’y suis jamais allé. La N.C. c’est loin. Le voyage est supposé durer 30 heures. C’est long, un bien petit mot de quatre lettres pour un périple de milliers de kilomètres.
Si en anglais, « voyage » se dit « journey », certaines journées n’en finissent pas… J’ai eu beau remonter le temps en voyageant vers l’Ouest, soudain au milieu de l’océan Pacifique j’ai pris deux jours dans les dents, dans les rotules, dans le bas du dos et des cernes sous les yeux.
J’avais beau être dans les starting-blocks, dés Manhattan ça a été un peu difficile. Le trafic vers le Sud était bloqué ce Samedi après midi. Je ne sais pas si c’était à cause du départ des officiels des Nations-Unies ou ceux du weekend, mais on s’est retrouvés à deux à l’heure dans la « jam » des fins de semaine. J’étais au téléphone, quand le chauffeur de taxi a soudain fait demi tour choisissant de repartir vers le Nord pour passer par le Bronx. Ça doublait la distance, mais au moins on avançait. Deux ans qu’il était venu du Ghana, quittant sa langue akan pour l’anglais, espérant vivre le rêve Américain. -Vous allez voter ? J’ai répondu que la double nationalité m’autorise à le faire. Il m’a dit que pour lui, Trump incarnait la réussite. J’ai cru m’étouffer, et j’ai passé le reste du chemin à lui transmettre un certain nombre d’informations qu’il ne semblait pas connaître à propos du blond blanc à banane. Finalement, on est arrivé terminal 8.
L’avion d’American Airlines, était en retard. On nous a expliqué que de gros orages l’avaient contraint à prendre une autre route plus longue. Le temps de nettoyer l’appareil et on a embarqué avec une heure de retard. Je n’étais pas vraiment inquiet, vu que j’avais deux heures et demi de transit à Los Angeles.
L’avion en bout de piste, prêt à décoller, quand soudain le pilote a dit qu’on était obligé de retourner d’urgence au point de départ pour « medical support », parce qu’un passager se sentait mal. J’ai déjà vécu ça. On dirait que c’est de plus en plus fréquent, des gens embarquent alors qu’ils ne devraient pas faire le voyage. « Ça sera l’affaire de « a couple of minutes » a-t il ajouté calmement.
Nous voilà là, nous, sardines et maquereaux en boîte ligotés à notre siège. Il ne se passe rien. On attend. Il ne se passe rien. On attend. Il ne se passe rien. On voit passer deux flics en uniforme, puis un gars avec une serviette, puis un autre avec une couverture, mais quand donc les vrais médecins vont-ils arriver ? Une fille avec un walkie talkie fait des allers-retours. Je me tourne, je les vois au fond de l’avion. Et ça discute, ça palabre, ça téléphone, on dirait que personne ne veut prendre la décision.
Finalement au bout de ¾ d’heure, (c’est long trois quart d’heure), la femme accepte de se laisser convaincre; et c’est une famille de six personnes qui quitte l’avion. Pas de civière non, elle repart sur ses deux jambes. Pffff.
On croit qu’on va se remettre en route, mais avec le même flegme, le commandant nous annonce que ça va prendre encore « a couple of minutes » le temps de débarquer les valises. Une autre demi heure s’est écoulée. Mal barré pour ma correspondance.
Enfin, on est à nouveau en bout de piste mais, une fois n’est pas coutume, le commandant annonce cette fois qu’il faut changer de piste de décollage, ça ne prendra guère plus d’un « couple of minutes ». Diantre, mais ça n’en finira donc jamais ces « couple of minutes »?
Les réacteurs commencent à siffler. Et voilà, enfin on quitte le sol comme une libération, avec presque trois heures de retard. D’une voix de macho sûr de lui, le pilote promet de tout faire pour rattraper une partie du retard. J’ai le ventre serré: si je rate la correspondance, je devrai attendre 24h. Il n’y a qu’un vol par jour entre Los Angeles et les Fiji. Mon voisin est un Suisse qui vient passer des vacances à LA. Il se moque un peu du retard. Il se dit responsable d’une fondation Fribourgeoise qui développe l’Art contemporain, mais au fond, j’ai l’impression qu’il n’y connaît pas grand chose. On discute un peu, pas beaucoup…
® CharlElie – Sept 20XVI