Le groupe Bazooka dont faisait partie Philippe Renault alias Lulu Larsen qui sera incinéré au Père Lachaise après demain, a sans aucun doute été l’un des collectifs de dessinateurs / artistes les plus important, innovant de la création graphique ayant éclos à la fin des années 70, début 80. Ils ont révolutionné le rapport à l’image en étant les inventeurs d’un style, un véritable « Art Graphique » à part entière, dont on n’a pas encore compris l’influence aujourd’hui. Exception faite peut-être du fugace duo « Elles sont de sortie »(Bruno Richard et Pascal Doury), le génial groupe des Bazookas n’a jamais eu vraiment son pareil après leur séparation.
Christian Chapiron (Kiki Picasso en était certes le leader, mais à son côté Jean Louis Dupré (Loulou Picasso) et Olivia Clavel plus Dominique Fury, Bernard Vidal, Jean Rouzaud et Lulu Larsen, chacun des membres de ce collectif Bazooka apportait sa contribution d’invention, appliquant à l’art visuel la même énergie que les musiciens d’un groupe de rock.
Bazooka c’était du rock ! De l’Art Rock. Un goût pour la provocation visuelle systématique. Pas une conscience politique, mais cherchant à choquer le regard au quotidien pour faire réagir le lecteur face à la routine. Pur Punk ! Quelque chose de sacrificiel. Extrême. Adolescent. Maximaliste. I want it now ! No futur ! Oui, le punk était dans l’air !
Enervés par un trop-plein d’énergie, (par ailleurs avivé par la consommation de denrées en poudre blanche), les yeux grands ouverts sur un monde qui commençait à s’emballer dans la panique/maelström de la fin du XXème siècle, les membres de Bazooka ne furent pas tous reconnus à leur juste valeur. Olivia Clavel ou Kiki Picasso s’en sont un peu mieux sorti, mais beaucoup d’entre eux, à la manière des poètes rimbaldiens, ne vécurent dans la lumière des médias que quelques années courtes. Peu de gens connaissaient Lulu Larsen
Publiés dans Actuel puis dans leurs différentes auto publications / Productions Bazooka, leurs revues et fanzines sont devenus des collectors. Ils bossèrent aussi pour Libération, réalisèrent quelques pochettes de disques, certains tentèrent l’aventure de la pub ou s’essayèrent sans grand succès à la réalisation de génériques pour la TV, mais dans l’ensemble Bazooka resta une sorte d’explosion graphique, comme une gerbe de confettis.
Sans complexe vis à vis des images de la réalité photographique dont ils s’inspiraient plus ou moins, ils détournaient les photos, les copiaient librement ou les torturaient sans gêne, indifférents au droit des auteurs desdites photos, ce qui leur valut quelques procès. Pour eux la réalité n’existait pas, elle n’était qu’un prétexte. (Cette réappropriation graphique des images d’autrui présageait ce que devint l’usage de musique sample dans les boucles du rap ou du Hip-Hop).
Ils laissaient filer leurs fantasmes.
Mais si en effet certains d’entre eux s’appuyaient sur des photos, d’autres aussi se racontaient à travers une figuration naïve, parfois commentée/assortie de textes farcis d’énormes fautes d’orthographes. Ce que Robert Combas a d’ailleurs su traduire sur toile en peinture pour les galeries d’Art, faisant sienne cette « libre figuration » à laquelle il a attribué ce titre dans l’exacte réplique de ce qu’ils avaient, eux Bazooka, initié sur papier quelques années plus tôt dans la confidence collective de leur atelier sous les toits en soupente.
Bref, en apprenant la mort de celui-là Lulu Larsen, je me projette en téléportation dans ces années-là: j’avais 19 ans, j’étais aux Beaux-Arts à Nancy, et depuis ma province j’admirais le culot des Bazooka. Bien sûr qu’ils m’ont inspiré, aussi bien pour la pochette du Pêcheur, qu’en 81/82 quand on a monté le « Quotidien des spectacles » avec le groupe d’artistes « Local à Louer »…
À toi comme aux autres, je rends hommage,
Salut Lulu !
® CharlElie – NYC 20XVI