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Confesse Book

140 – Bleus

Après s’être égosillé dans les rues pendant deux mois, après avoir ravalé leur salive devant ce 49.3, les Français ont des hématomes dans la tête. Ils voient la vie en bleus.

Mais quoi, on a cru que c’était fini Jeudi, quand ils ont célébré la demie finale comme si c’était une fin en soi. Vaincre les Allemands, ça a toujours quelque chose de symbolique. Bien arrosé, au rosé, remettre le compteur à zéro et repartir du bon pied.

Oh dieu du Foot où êtes-vous? Vous qui apaisez les esprits des uns et qui abêtissez les autres. Réveillez les! Dites-leur qu’on est seulement arrivé quand on a franchi la ligne.

« On n’a pas eu beaucoup de temps de récupération, il faut s’y remettre dès aujourd’hui », dit le bon druide « sans dents », le sage entraîneur qui fait office de penseur gourou, maître philosophe, « ce n’est pas encore acquis ». Il reste concentré mais il semble que les autres n’aient plus vraiment la tête sur les épaules, car ils visent la lucarne… « Ouais clairement nous sommes favoris, on a toujours battu le Portugal et en plus c’est chez nous, au Stade France ils savent qu’ils peuvent compter sur le soutien des supporters. Ouaiaiaiais! C’est nououous !

– Permets-moi de te rappeler que s’il arrive que les Français gagnent bien qu’étant outsider, ils ont aussi souvent perdu quand ils étaient favoris.

– Si tu doutes c’est que t’es un looser. On va gââgner!

Dimanche, le ciel est bleu, quand je pense que des candides superstitieux vont dire que « c’est déjà un signe ».  Un communiqué émanant de l’Elysée a tenu à préciser que le Président de la République n’avait rien à voir avec la Victoire. Non mais, on vit dans un monde de demeurés? Sont-ce ceux qui posent les questions, ou ceux qui se sentent obligés d’y répondre qui nous prennent pour des débiles. Où va t-on ? Dites-nous Bernard Arnault, dans quel monde Vuitton ? LVMH, Le Vigoureux Milliardaire Hésite…

Plus les gens sont humiliés, plus ils ont besoin de la victoire, plus ils sont perdus, envahis par le doute et l’obsession de la défaite (dé-fête) plus ils ont besoin de voir les leurs gagner ce match.

Cette victoire c’est celle d’une équipe de Stroumpfs bleus qui a la responsabilité d’incarner leur talent à eux, oui eux, tous les spectateurs. Ainsi ceux qui se sentent abattus vibreront-ils du frisson de la victoire, cette victoire qui leur semble interdite.

Temps réglementaire, prolongations ou tirs aux buts, on a beau dire que c’est une histoire de style, à l’arrivée y a celui qui gagne et celui qui perd!

Avant que le match ne commence, par anticipation, c’est pourtant déjà la liesse en ville. Une sorte de transe a envahi la France.

Mais quoi? Faire la teuf des héros, c’est plutôt l’étoffe des Euros car, faut-il rappeler qu’aucun des mercenaires millionnaires de l’équipe de France ne joue dans un club en France…

Même s’il y a pendant un match de bons moments, des passes incroyables, des tactiques et techniques de jeux évidemment bien choisies, j’avoue que, quand je pense à tout le temps qu’on consacre à ce sport, toutes les salamalecs et pseudos analyses d’experts, quand je pense à tout ce qu’on met de côté, entre parenthèses ou hors-jeu, tout ça pour ça, seulement ça… cet excès de bleu me file le blues.

Mais les fans ne se posent pas tant de questions, ils hurlent n’importe quoi, des slogans véhéments, des harangues tribales. « Les portugais, ils sont pas gais!! » et  » Ronaldo a mal au dos! » On a l’impression que les jeunes filles et jeunes garçons, le front ou les joues peints aux couleurs tricolores, voudraient vivre à leur tour, ce que d’autres plus anciens ont partagé en 98. Alors ils en rajoutent, ils en font des tonnes, poussant des hurlements de malades, comme pour se guérir de n’avoir rien à dire en se soulant de bruit.

C’est pas l’ mondial, c’est « seulement » l’Euro, mais qu’à cela ne tienne, dehors les klaxons, les cornes de Roland se font entendre depuis Roncevaux et partout des explosions de joie. Alors même si c’est surfait, bien sûr que ça vaut mieux que des pains de plastic ou de semtex.

 

® CharlElie – Juillet 20XVI

Texte écrit avant le match.